Anna venait d’avoir 38 ans. Elle était secrétaire générale dans une boîte bien cotée et mariée depuis pratiquement 15 ans avec son premier amour Martin. C’était un homme adorable mais un peu maladroit. Ensemble, ils avaient eu des jumeaux qui maintenant avaient 12 ans : une fille nommée Angèle et un garçon, Stanislas. Tous les deux débordaient d'énergie et de questionnement.
Anna avait passé les dernières années de sa vie à s’occuper de sa famille et de son travail. Elle s'était, d'ailleurs, un peu oubliée, si bien que sur les conseils de sa meilleure amie Nadine, elle avait décidé depuis le mois de mai de prendre son mercredi soir pour elle et d'aller nager dans la piscine olympique du village voisin. Elle avait beaucoup pratiqué la natation quand elle était jeune. C'était son moment de relaxation : elle ne voyait personne, surtout pas son mari qui commençait à lui taper légèrement sur les nerfs et ses enfants qui ne lui accordaient pas énormément de paix.
Elle préparait donc, chaque mercredi soir, son sac avec son maillot noir de compétition acheté spécialement pour l'occasion. Elle trouvait qui lui allait plutôt bien. Il est vrai qu’au fur à mesure des années son corps avec un peu changé surtout après la grossesse. Elle s'était un peu alourdie, affaissée, mais pour une femme de 38 ans ayant eu des jumeaux, elle restait tout de même assez sportive.
En été la piscine était extrêmement fréquentée mais elle ne se mêlait pas aux gens, elle préférait rester à l'écart et faire ses longueurs en laissant son esprit vagabonder. Ce ne fut que vers septembre, quand la fréquentation de la piscine se raréfia qu’elle remarqua le jeune Apollon qui faisait ses longueurs non loin d'elle. Il devait avoir une trentaine d'années et à en juger par sa technique de nage et son corps plus qu’avantageux, Anna le soupçonnait d'avoir été un champion de natation. Il avait les cheveux courts d’un brun foncé qu'il camouflait sous un bonnet de bain rouge. Il était très agréable à regarder.
Elle avait donc pris l'habitude de le chercher du regard pour l'admirer. C’était un jeu bien innocent. Il lui avait semblé quelquefois que l'homme lui rendait son regard, mais elle n'en n'était pas sûre. Il y avait toujours autour de lui une ribambelle de jeunes femmes qui faisait tout pour attirer son attention et auxquelles il démontrait, d'ailleurs, beaucoup d'intérêt. Il paradait comme un coq au milieu de ses poules.
Les mois passèrent ainsi sans qu’aucun des deux ne s'adresse la parole. Pourtant Anna avait vraiment la sensation qui la cherchait du regard. Elle avait même fini par s’acheter de nouveaux maillots, bien plus seyants, afin de se donner un peu plus de contenance. Au fur et à mesure de ces œillades, elle avait senti grandir en elle un certain désir pour le jeune homme. Elle s'était surprise, plus d'une fois, sous la chaleur de la douche, à l’imaginer la rejoignant dans la cabine pour l'enlacer fougueusement. Elle combattait ardemment ces images plaisantes qui l'assaillaient. Elle se sentait un peu coupable. Martin était loin d'être l'homme idéal mais c'était un homme très bien. C’était son mari depuis plus de 15 ans, même plus en réalité, ils s'étaient rencontrés 19 ans plus tôt quand ils étaient entrés à l'université. Elle n'avait connu que lui. C’était une jeune fille très timide à l’époque. Elle l'était d'ailleurs toujours un peu et bien qu'elle sût qu'elle pouvait plaire encore, elle ne faisait pas partie de ces femmes qui collectionnaient les hommes. Et quand elle s'imaginait faire une incartade avec ce jeune nageur, elle sentait poindre en elle une culpabilité.
Les dernières semaines de l'année, elle ne se rendit pas à la piscine. Effectivement, elle n’en avait pas le temps. Il fallait préparer les fêtes, préparer Noël, préparer le nouvel An et elle s'était beaucoup occupée de ses jumeaux.
La deuxième semaine de janvier, elle décida de retourner à la piscine, lieu de ses crimes imaginaires. Elle se prépara avec beaucoup d'attention et un brin d'excitation. Elle se demandait si l'homme serait là. Elle se demandait si cette fois-ci elle oserait, peut-être juste, le saluer, et même échanger quelques mots. Malheureusement le jeune homme n’y était pas. Elle se sentit un peu déçue et se concentra sur ses longueurs avec un grand plaisir à effectuer les gestes précis qu’elle avait appris dans son adolescence. Cela lui avait manqué et c'était pour elle un réel moment de détente. Elle nagea pendant plus d'une heure puis décida qu'il était temps de partir. Elle se dirigeait vers les cabines quand elle entendit une voix suave résonner à son oreille.
« Laisse-moi venir avec toi sous la douche… Fais-moi juste un signe, laisse tomber la bretelle de ton maillot en partant. »
C'était le jeune homme. Il était apparu comme par miracle. Il venait de lui glisser ces quelques mots en passant à côté d'elle puis avait continué son chemin comme si de rien n'était.
Anna s'immobilisa un instant. Elle était troublée et ne savait pas quoi faire. Elle était vraiment proche des vestiaires, il ne lui restait que quelques mètres à franchir. Elle hésita un instant, puis finit par partir d’un pas décidé sans baisser sa bretelle.
Toute la semaine, elle se demanda ce qui se serait passé si elle avait baissé cette fameuse bretelle. Elle imaginait les mains de l'homme courir le long de son dos, dégrafer son bikini et faire glisser le tissu mouillé le long de sa peau. Elle imaginait la vapeur de la douche les envelopper en les protégeant du monde. Elle pensa au fait qu'ils pouvaient être surpris et le désir monta encore plus vivement en elle. Elle regrettait presque d'avoir laissé passer sa chance. Elle restait surprise de la proposition que lui avait fait l'homme, lui qui était entouré de toutes ces jeunes filles qui auraient donné tout ce qu'elles avaient pour passer, ne serait-ce qu’une minute, seules avec lui, pour qu'il leur adresse ne serait-ce qu'un seul mot.
Pourtant, c'était à elle qu’il avait fait cette proposition. Elle se sentait flattée. Elle se disait qu'à 38 ans elle avait toujours de quoi plaire. D’ailleurs, elle ne savait pas si elle était attirée parce que cette proposition était indécente ou parce que cela la flattait. Elle qui n'avait jamais eu d’histoire d'un soir ou même imaginer tromper son mari. Elle se retrouvait, maintenant, à penser à un homme dont elle ne connaissait ni le nom, ni la vie. Un homme qu'elle avait juste croisé tous les mercredis soir depuis à peine quelques mois. Qui était-il ? Avait-il l'habitude de faire ce genre de proposition aux femmes qu'il rencontrait à la piscine ? Avait-il un réel intérêt pour elle ? Elle se posait tout un tas de questions et à chaque fois qu'elle commençait à laisser son désir prendre le pas sur sa rationalité. Le visage doux de Martin apparaissait dans son esprit. Elle décida, donc, après mûre réflexion, de ne pas aller à la piscine le mercredi suivant.
Pendant deux semaines, elle se tortura avec son envie d’aller nager et de le revoir. Finalement, elle céda et décida d'y retourner.
Elle était fébrile. Elle s'était acheté un nouveau maillot, un bikini à froufrou. C’était un petit peu trop pour elle mais il mettait sa poitrine en valeur. Elle avait honte d’elle-même et pourtant elle s’était quand même apprêtée pour lui plaire. Elle avait peur de le voir et à la fois, elle était excitée à l'idée de le croiser.
Elle arriva à la piscine et le remarqua tout de suite sur le plongeoir. L’homme ne lui jeta pas un seul regard. Anna se sentit un peu humiliée, humiliée d'avoir rêvé, d’avoir pensé à cet homme qui de toute évidence ne lui montrait pas une once d'intérêt. Peut-être avait-elle rêvé cette proposition ? Peut-être avait-elle été adressée à quelqu'un d'autre ? Peut-être avait-elle mal compris ?
Pourtant, quand elle décida d'aller prendre sa douche, dans un moment de stupidité ou de courage, elle baissa la bretelle de son bikini et jeta un dernier regard vers la salle. Elle le chercha rapidement du regard, elle ne le vit pas. Déçue mais soulagée, elle avança donc vers les vestiaires, la bretelle toujours baissée. Elle attendit quelques instants, prise d’espoir et d’excitation, mais le jeune homme ne vint pas. Finalement, elle entra dans la cabine de douche et alluma d’abord l’eau froide pour se rafraîchir les idées et se calmer. Puis elle tourna la vanne et la chaleur de l’eau envahit la cabine. Après de longues minutes, sous la vapeur chaude, un léger grattement se fit entendre sur la porte de la cabine.
« C'est moi… souffla une voix qu'elle reconnut immédiatement. Ouvre, vite ! »
Anna tremblait. Elle ne savait pas quoi faire. En quelques secondes il lui fallait prendre une décision qui pourrait changer sa vie. Elle avait terriblement envie d'ouvrir et à la fois elle ne voulait pas lui donner de réponse. Elle était perdue et sans qu'elle puisse comprendre pourquoi sa main glissa vers le loquet et elle ouvrit la porte.
L'homme s'engouffra rapidement dans la cabine et referma la porte. Anna ouvrit la bouche pour parler mais il l'arrêta en déposant son doigt sur ses lèvres gorgées de désir. Il resta un long moment à la regarder, immobile. La scène était irréelle et Anna ne savait pas vraiment quoi faire, ni quoi dire. C’était la première fois qu'elle le voyait sans son bonnet rouge et ses cheveux mouillés et ondulés perlaient sur son crâne, le rendant encore plus beau. Il ressemblait à ces statues grecques que l’on voyait dans les musées. Anna tremblait d’un désir qu’elle avait du mal à contrôler.
Dans cette cabine de douche à la parois de plastique abîmée par les années, elle attendait fébrilement que quelque chose se passe mais le jeune homme restait immobile à la regarder. Il la regardait au fond des yeux comme s'il cherchait à desceller quelque chose. Peut-être était-il en train de sonder son âme. Il la troublait au plus haut point, son doigt toujours posé sur sa bouche. La situation était plus qu'étrange.
Il finit par s'avancer vers elle, lentement, toujours en la fixant du regard et déposa un léger baiser sur ses lèvres. Il s'éloigna légèrement et attendit la réaction de la jeune femme. Anna fut soudain prise d'une violente envie de lui rendre son baiser. Elle n'avait jamais ressenti cela. En effet, avec Martin, elle avait découvert la sexualité d'une manière plus pratique et douce que bestiale et passionnée.
Elle s'agrippa donc à l'homme et lui rendit fougueusement son baiser. Il passa alors ses bras autour de sa taille et la souleva légèrement avec force pour la coller encore un plus peu contre lui. Sa langue agile vint caresser celle d’Anna, d’abord doucement, puis avec plus avidité et pour la première fois, Anna ressentit un désir qu’elle n’avait jamais même pensé possible. Elle avait tellement envie de lui. Elle avait tellement envie de le sentir en elle !
Il s’arrêta subitement et la regarda de nouveau, les yeux brillants de désir. Il n'avait toujours pas dit un mot. Anna non plus d'ailleurs. Il passa sa main sur la joue rougie de la jeune femme. Il semblait l'admirer, bien qu'elle n’eût pas envie qu'il prenne son temps. Il parut comprendre ce qu’elle voulait et l'enlaça de plus belle. Ses lèvres coururent le long de son cou à la recherche de sa poitrine qui se cachait plus bas. D’un geste habile, il dégrafa le bikini et celui-ci vint s'écraser sur l'eau qui s'était accumulée sur le sol de la douche. L’homme descendait lentement mais sûrement vers les monts d'Anna. Tout son être était en éveil. Elle sentait chaque mouvement, chaque coup de langue effleurer sa peau. Elle avait peur de ce qu'elle était en train de faire et pourtant il lui était impossible d'arrêter. Le jeune nageur atteignit enfin le cercle rosé qui surplombait son sein. Il faisait aller sa langue en mouvements circulaires, stimulant cette partie de l'anatomie de la femme. C’était divin !
De sa main droite, il était venu caresser le triangle d'or d’Anna, sa main se frayait un chemin et s’introduit enfin en elle, la maintenant fermement, la main gauche sur ses reins, la bouche flattant son téton durci par le plaisir et la main droite dans son intimité. Il effectua des mouvements de plus en plus frénétiques. Anna s'était, maintenant, totalement abandonnée et elle ne pensait plus à rien, si ce n'est qu’au plaisir qu'elle pouvait ressentir. Elle se concentrait sur chaque sensation que lui envoyait son corps.
Un léger bruit se fit entendre et l'homme s'arrêta brusquement. Quelqu’un d'autre était entré dans le vestiaire. Les deux amants s'arrêtèrent et firent silence. La personne resta 5 bonnes minutes à farfouiller et finit par partir. Alors enivrée par l'excitation d’être passé à un cheveu de se faire prendre, Anna prit les choses en main. Elle agrippa le jeune homme de plus belle et l'embrassa fougueusement. Sa jambe se souleva pour s'accrocher à celle de l'homme. Il lui agrippa la cuisse et d'un mouvement agile et fort, la souleva et la plaqua contre lui. En quelques secondes, il s'était introduit en elle et leurs deux corps mouillés, sous la vapeur chaude de la douche, se mirent à onduler ensemble dans une danse de désir. Elle n'avait jamais ressenti une extase pareille de toute sa vie. Le jeune homme avait un membre plus imposant ce qui la changeait beaucoup de ce qu'elle avait à la maison. Elle sentait chaque mouvement du membre viril qui s'introduisait en elle, toujours plus intensément, toujours plus violemment. Les mains du nageur se refermaient puissamment sur ses fesses accélérant toujours un peu plus les rebondissements du plaisir. Il la plaqua avec force contre le carrelage mouillé de la cabine et s’agrippa d'une main à la structure de la douche pour se stabiliser. Ses mouvements étaient maintenant devenus presque bestiaux et Anna avait beaucoup de mal à ne pas laisser échapper quelques cris de plaisir. Il lâcha le pommeau de douche et plaqua sa main sur la bouche de la femme.
« Ne fais pas de bruit, murmura-t-il la respiration haletante. »
Il retira presque immédiatement sa main et recommença les mouvements acharnés. Anna sentit tout son corps parcouru d’une forte décharge électrique, tout le long de sa colonne vertébrale, en une seule fraction de seconde une chaleur inconnue irradia dans le bas dans son bassin. Elle se contracta fougueusement laissant exploser un cri de joie qu’elle tentât d’étouffer en enfouissant son visage dans le cou du jeune homme. Elle venait d'avoir son premier orgasme, le tout premier de sa vie. Et elle n'aurait jamais pu imaginer que cela pouvait être aussi bon, et beau. L’homme, lui, n'avait pas fini et continuait ses mouvements insistants sans relâcher son étreinte et son intensité. Il continua quelques minutes, agrippant toujours plus fort le corps d’Anna. Il l'étouffait presque. Quand enfin, elle le sentit, le jet puissant qui se déversait en elle. Il lâcha un grognement étouffé entre ses dents et ils restèrent un moment enlacés dans la même position.
Enfin, il la déposa délicatement sur le sol et la regarda avec ce même regard intense. Il avait envie de parler, mais les mots ne sortaient pas. Anna aussi avait envie de parler, mais elle ne savait pas quoi dire. Alors il enfila son maillot et l’homme disparut aussi vite qu’il était apparu après avoir consommé l’objet de ses convoitises. Il s'enfuit sans même prononcer un seul mot.
Anna resta, donc, seule dans cette cabine de douche, l'eau se déversant sur ce corps qui venait d'être profané. Elle était troublée, abasourdie par ce qui venait de se passer. Elle resta prostrée un long moment. Enfin, elle finit par reprendre ses esprits et rassembla ses affaires.
Le soir quand elle rentra chez elle, elle eut beaucoup de difficultés à regarder son mari en face. Elle ne savait si elle devait tout lui dire ou si elle devait garder cela pour elle.
Le lendemain elle demanda à son amie Nadine d'aller déjeuner avec elle et lui raconta ce qui s’était passé le soir précédent dans cette fameuse cabine de douche. Nadine était réellement surprise du comportement de sa meilleure amie. Elle ne l'aurait jamais imaginée faire une chose pareille. Cette femme qui avait toujours eu un comportement si irréprochable, l'épouse parfaite, la mère parfaite, cette personne qui pourtant s’était donnée à un inconnu dans les vestiaires d’une piscine publique. Nadine s'était, d'ailleurs, toujours sentie un peu en compétition avec elle et bien qu'elle se réjouît de voir sa meilleure amie dans une situation un peu particulière, elle éprouvait aussi de la peine de la voir ainsi troublée, perdue.
« Ce n'est pas grave ! Ça peut arriver ce genre de choses, tu sais…
- Pas à moi, murmura Anna les larmes aux yeux.
- Mais… Mais au moins c'était plaisant ? Non ?
- Oui, oui. Ce n'est pas le sujet…
- Allez quoi, on n'est plus dans les années 50 ! Une femme a aussi le droit de se faire plaisir. Je te ferai remarquer que Martin te délaisse depuis des mois, c’est toi-même qui me la dis…
- Ce n'est pas une excuse.
- Je n'ai jamais dit que c'était une excuse mais au moins, c'est une explication ! Et puis tu penses que lui a toujours été fidèle ? Tu en es sûre ?
- Mais qu'est-ce que tu racontes ? Je n'ai aucun doute sur la fidélité de mon mari et si c'est pour me faire ce genre de commentaire, ce n'est pas la peine qu'on en parle ! »
Anna lui avait répondu avec tant d’agressivité que Nadine sût qu’elle était allée trop loin.
« Je ne voulais pas te blesser, tu sais… Anna je voulais juste que tu relativises un peu. Un couple ce n'est pas fait que de bonheur, il y a aussi des moments où chacun a besoin d’un peu d'espace, d'un petit jardin secret…
- Tu veux dire d'aller voir ailleurs ? répondit Anna cyniquement.
- Je ne l'ai pas dit de cette manière, mais oui. Je ne suis pas la seule à le dire que de temps en temps un petit écart de conduite renforce les couples.
- Je ne crois vraiment pas à ce genre de concept à la con créer pour excuser tout et n’importe quoi ! »
Nadine se tut et porta son cappuccino à ses lèvres. Après un long moment de silence, elle reprit :
« Et donc… Qu'est-ce que tu vas faire ? Tu vas retourner à la piscine ?
- Je ne sais pas Nadine… Je dois avouer que je ne serais vraiment pas contre un deuxième round mais je ne connais même pas son nom… Je ne sais même pas qui il est ! Je ne sais vraiment pas ce qui m'a pris de faire l'amour, en plein milieu des vestiaires, avec le risque de se faire surprendre et ce avec un homme dont je ne connais rien, même pas le nom. Nadine ! Même pas le nom ! Tu te rends compte !
- Ce n’est pas plus mal, au moins on ne peut pas dire que tu aies des sentiments pour lui ou quoi que ce soit. C’était juste un petit plaisir passager. Mais moi à ta place, j'y retournerais sans hésiter !
- Je sais très bien ce que tu ferais à ma place… »
Nadine avait toujours été une femme très légère c’était un fait notoire. Elle avait des aventures avec un peu près tous les hommes qui s’approchaient d'elle. Et bien qu’Anna soit très tolérante et compréhensive avec les comportements débridés de son amie. Elle l’était beaucoup moins quand il s’agissait d’elle-même.
Les deux amies terminèrent leur déjeuner et se séparèrent rapidement. Anna n'avait pas l'impression que cette discussion l’ait aidé à trouver une solution, bien au contraire. Elle qui aurait voulu que son amie lui dise d'arrêter ses bêtises, qu’elle la juge, qu’elle la condamne, pas qu’elle l’encourage à la débauche. Elle avait, maintenant, encore plus envie de revoir le jeune homme.
Il lui restait quelques jours avant mercredi soir, quelques jours pour prendre une décision, pour trouver des réponses à toutes ces questions qu’elle se posait… Allait-elle retourner à la piscine ? Prendrait-elle le risque de le revoir et surtout qu’une incartade supplémentaire ait lieu ? Elle tenta pendant des jours de se convaincre qu’elle ne devait pas y retourner. Elle se flagellait intérieurement sur son comportement qu'elle jugeait inadmissible.
Pourtant le mercredi soir, elle fit son sac et partit pour la piscine. Elle ne choisit pas de maillot affriolant, mais le noir habituel, comme pour se rassurer, elle n’allait pas à la piscine pour le voir, mais seulement pour nager. A peine avait-elle franchi les portes du vestiaire que son regard balaya instinctivement la piscine à sa recherche. Il était là. Il nageait avec vigueur, fendant l’eau de son corps d’Apollon. Elle admira les muscles ciselés qui plongeaient dans l'eau à mouvement régulier. Il était tellement beau, tellement fort. Rien qu’en le regardant, elle pouvait ressentir ses mains sur son corps, son souffle sur son cou, ses lèvres sur ses lèvres et son désir l’envahir. Elle secoua vigoureusement la tête comme pour faire partir ces images qui s'affichaient sur l’écran noir de son esprit.
« Reprends-toi ma fille ! se murmura-t-elle avec conviction. »
Elle se glissa rapidement dans l'eau et entama ses longueurs avec concentration. Elle remarqua qu'il la regardait du coin de l’œil. Il n'avait pas une expression très claire : elle ne savait pas s’il la désirait encore ou s’il la jugeait pour s'être ainsi laissé aller.
Elle nagea plus longtemps qu’à son habitude. C’était presque l'heure de fermeture de la piscine et il n'y avait plus personne dans la salle. Elle sortit rapidement de l'eau et se dirigea vers le vestiaire. Elle hésita un très bref instant à baisser la bretelle de son maillot une pièce mais se ravisa. Elle se dirigea vers la douche et laissa couler l'eau chaude sur son corps. Elle ne fut pas si surprise quand elle entendit les grattements sur la porte de la cabine et la voix chaude de l'homme qui lui signifiait qu'il était là. Elle ne répondit pas et fit semblant de ne pas l’entendre. Les grattements s'intensifièrent, mais Anna avait décidé de ne pas ouvrir. Elle voulait résister.
Elle savait que cette histoire n'avait aucun sens et elle n'était certainement pas prête à mettre toute sa vie en danger pour un homme dont elle ne connaissait toujours pas le nom. Après de longues minutes insistantes, il finit par partir. Anna lâcha un soupir de soulagement. Elle ne savait pas combien de temps encore elle aurait pu lui résister. Elle avait tellement eu envie de lui ouvrir la porte, et pourtant elle savait bien que c'était de la pure folie…
Le lendemain matin, elle reçut un message de son amie Nadine qui voulait savoir si elle était allée à la piscine et surtout si elle avait encore une fois céder aux avances de l'homme sans nom. Anna lui répondit fièrement que non et qu'elle n'avait plus l'intention de se laisser aller à ce genre de pulsion.
Malgré tout, les moments où elle n'était pas occupée, où elle n'avait pas quelque chose d'important à faire, elle pensait à lui.
Elle se remémorait ce moment partagé sous la douche, chacun de ses gestes et sentait son corps se réveiller de désir. Elle commençait à être vraiment fatiguée de tout ça, de cette torture mentale qu’elle s’infligeait maintenant depuis des semaines. Le prix à payer lui semblait beaucoup trop cher. Pourtant elle n'avait pas envie de renoncer à son moment à la piscine, ce moment de détente et de calme, ce moment où elle ne se préoccupait que d’elle-même. Elle appréciait vraiment aller nager, l’eau avait sur elle un effet réparateur. Elle aurait pu d'ailleurs changer de piscine, mais celle-ci était proche de chez elle. Elle décida alors de changer ses horaires, peut-être que si elle y allait un autre jour, elle ne le croiserait pas et ne serait donc pas tentée. C’était une bonne solution : continuer d’aller à la piscine mais changer de jour pour ne pas se retrouver face au jeune homme et d’éviter toute tentation supplémentaire.
Malheureusement pour Anna ˗ certaine d’avoir si bien pensé son plan ˗ quand elle se rendit à la piscine le jeudi soir, il était là. Elle était de nouveau troublée, mais l’évita soigneusement nageant à l’autre bout de la piscine et ne lui décochant aucun regard. Elle nageait concentrée sur chacun de ses mouvements, regardant à peine devant elle, laissant son instinct la guider quand elle arrivait en fin de longueur. Alors elle plongeait profondément et se retournait en donnant une impulsion du pied pour repartir dans l’autre sens.
Bien sûr l’homme vint gratter à la porte de sa cabine de douche, elle ne répondit pas. Elle essaya de changer ses horaires et vient un jour différent chaque semaine, mais il était toujours là, comme s’il passait toutes ses soirées à la piscine. N’avait-il pas de vie, ne travaillait-il pas ?
Anna gardait inlassablement ses distances, ses douches devenaient de plus en plus rapides et avait lieu quand d’autres nageuses étaient dans le vestiaire. Ce cinéma dura quelques semaines et l'homme finit par comprendre ne lui démontrant plus aucun intérêt. Elle en était contente. Et pourtant, au fond d’elle-même, elle en était frustrée. Elle pensait toujours à lui dans ces moments où son esprit vagabondait. Mais elle était mariée et c’était mieux ainsi.
Au début du mois de mars, un des maîtres-nageurs, un des seuls avec qui elle avait lié un début de relation amicale, vint lui parler. Ils échangeaient souvent quelques mots quand Anna arrivait à la piscine, c'était un vieil un homme d'une soixantaine d'années bien pesées. Il avait été le champion du village, ses trophées décoraient l’accueil de la piscine. Il était toujours bronzé, beaucoup trop pour que ce soit naturel et portait les cheveux mi- long qui avaient été depuis longtemps abandonnés par la mélanine. C’était une personne charmante et Anna avait de la tendresse pour lui.
« Anna, puis-je vous parler quelques minutes ?
- Qu'est-ce que je peux faire pour vous, Roger ?
- Eh bien voilà Anna, nous organisons une espèce de petite compétition pour amateurs de natation et je n'ai pu m'empêcher de remarquer votre réel intérêt à la nage. C’est une petite compétition entre les piscines de la région et j'aurais vraiment voulu que vous y participiez… Vous pourriez être notre représentante dans la catégorie 30-40 ans ? »
Anna ne s'attendait pas du tout à cette proposition. C’est vrai qu’elle aimait beaucoup nager et qu'elle n'était pas mauvaise. Elle se faisait force de pratiquer la natation avec attention et ce une fois par semaine. Mais jamais elle n’aurait pensé à participer à une compétition.
« Je ne sais pas Roger, je ne suis pas sûre d'avoir le niveau.
- Anna, ce n'est que pour les amateurs, ça vaut la peine franchement ! Je sais que vous avez pratiqué plus jeune, vous me l’avez dit. Cela ne vous intéresserait pas ? Vraiment ? Et puis, je n'ai pas beaucoup de personnes de votre gabarit, on va dire, qui pourrait aller dans cette catégorie… Si nous n’avons pas de participants dans toutes les catégories, nous ne pouvons pas participer… Vous me rendriez une fière chandelle en acceptant !
- Je vais y penser, mais je ne suis vraiment pas sûre que ce soit un choix judicieux…
- Au contraire Anna ! Moi, je suis sûr qu'avec un peu d'entraînement vous pourriez carrément gagner ! répondit-il avec un air très convaincu et convainquant.
- Je vais réfléchir… Je vous le promets… Quand dois-je vous donner ma réponse ?
- Nous devons remettre les inscriptions pour mardi matin première heure. Le championnat se déroulera en juin. Si vous y mettez maintenant, avec un bon entraînement, je suis sûr que vous serez largement prête pour remporter la victoire ! »
L'homme avait parlé avec beaucoup d'enthousiasme, il était très motivé et le ton qu'il avait pris avait donné confiance à Anna.
« Je vais y penser sérieusement, je vous le promets Roger !
- Merci Anna, c'est vraiment très gentil de votre part. Je suis persuadé que vous pouvez gagner ! »
Anna sourit et tapa sur l'épaule du vieux nageur.
« Vous avez vraiment confiance…
- Je suis certain, Anna. Je sais reconnaître un bon cheval quand j’en vois un ! »
Anna éclata de rire et se dirigea vers le parking.
Quand elle fut rentrée à la maison, elle en parla son mari, Martin, et à ses enfants. Les jumeaux, sans prendre le temps de réfléchir, incitèrent directement leur mère à participer à la petite compétition. Ils trouvaient cette idée géniale et se voyaient déjà dans les gradins acclamant leur mère. Martin aussi était très intéressé, il aimait bien ce genre de chose, les petites compétitions. Il pensait, d’ailleurs que ce serait très bien pour sa femme qui avait besoin d'un petit peu plus de confiance en elle. Bref, toute la famille la poussait à accepter. C’était une merveilleuse idée, un très sympathique défi et en plus les jumeaux étaient assez grands maintenant pour s'occuper d’eux-mêmes et n'avaient plus besoin que maman soit en permanence à leurs côtés. Martin assura également à sa femme qu’il prendrait des responsabilités supplémentaires afin qu’Anna soit plus libre le soir.
Elle appela donc Roger le samedi matin pour lui confirmer qu'elle participerait bien à cette compétition. Roger l'invita à venir à la piscine lundi pour signer les papiers.
Lundi, à peine, avait-elle fini de travailler qu'elle débarqua à la piscine. Elle était ravie d’avoir accepté ce défi et surtout d’avoir le soutien de sa famille. Elle portait un beau tailleur, très professionnel. Elle avait relevé ses cheveux en chignon, comme elle avait l’habitude de le faire lorsqu’elle travaillait et portait ses lunettes de secrétaire. Elle avait un côté tout à fait extraordinaire, presque fascinant, que les gens de la piscine n’avaient jamais pu remarquer. Roger eut du mal à la reconnaître. À chaque fois qu'elle venait à la piscine, elle avait les cheveux lâchés et en bataille. Il ne savait même pas qu’elle portait des lunettes. Anna venait toujours en jogging. C’était une femme totalement différente qui se présentait devant ses yeux.
« Vous êtes magnifique mon Dieu ! Je ne vous avais jamais vu en habit de jour !
- Roger vous exagérez, comme toujours ! répondit-elle feignant d’être gênée.
- Non vraiment, vous êtes vraiment très, très, très jolie ! Nous avons beaucoup de chance d'avoir une compétitrice élégante comme vous ! Beaucoup de chance ! »
Elle remercia chaleureusement le vieux Roger et signa les papiers d’inscription. Roger exulta de joie, son équipe était enfin au complet et il espérait bien gagner quelques médailles qu’il ajouterait à sa collection.
« Alors Anna, comme je vous l'avais dit, je pense qu'il serait judicieux de faire au moins deux entraînements d'une heure par semaine ! Bien sûr, sur les jours qui vous conviendront le mieux.
- Oui, j'y ai bien pensé Roger. Je pense que pour moi ce serait idéal le mardi et le jeudi. De plus si vous pensez que c'est nécessaire, le dernier mois nous pouvons aussi faire trois entrainements par semaine, peut-être le samedi, pour être sûr que j'ai un certain niveau. Je ne voudrais pas me ridiculiser…
- Vous ne vous ridiculiserez pas Anna, vous avez le cœur d’un vainqueur, je le sais, je le sens. Et puis surtout, vous serez entraînée par un homme qui a été un des meilleurs nageurs de la région ! »
Elle comprit bien vite que l'entraîneur en question serait l'homme avec qui elle avait passé un moment d’égarement sous la douche. Elle faillit s’évanouir quand une voix résonna derrière elle. Une voix qu'elle connaissait déjà, une voix qui la perturbait énormément, une voix qui la hantait depuis des mois.
« C'est vous Anna ? Je suis Édouard ! C'est moi qui vais vous entraîner ! »
Anna se retourna. Il était juste devant elle, à quelques centimètres à peine. Elle pouvait sentir le parfum de sa peau venir se loger dans ses narines. Il s'appelait donc Édouard. Édouard, un nom qu’elle n’aurait jamais pensé lui donner. Elle avait souvent imaginé son nom et elle ne savait pas pourquoi mais il avait toujours eu des consonances américaines commençant inlassablement par un J ; Jim, Joe, Jordan. Il avait troqué son costume de bain, enfin son petit slip, pour un jean moulant qui laissait voir ses attraits et un T-shirt noir tout aussi serré. Il était encore plus beau habillé et ses cheveux, qu'elle n'avait jamais vu sec, ondulaient sur son crâne parfaitement rond lui donnant une allure de mannequin.
« Vous… laissa échapper Anna sur un ton qu’elle aurait souhaité moins désespéré.
- Vous vous connaissez ? demanda Robert assez surpris. »
Le jeune homme intervint tout de suite avant qu’Anna n’ait la chance de répondre quelque chose.
« Non, non, pas vraiment… On s'est juste croisé quelques fois à la piscine. On ne s’est jamais vraiment parlé.
- Oui, on se connaît surtout de vue, renforça Anna en reprenant ses esprits.
- Parfait ! exulta Roger. Voilà déjà une équipe formée ! C'est parfait, parfait, parfait, je suis tellement content ! Je suis sûr que nous allons gagner ! Avec un professeur comme Édouard, il ne peut pas y avoir de défaite ! On se voit donc mardi Anna !
- Oui, bien sûr Roger. On se voit mardi ! Au revoir. Au revoir Édouard.
- Au revoir Anna ! »
L'homme lui décocha un sourire à réchauffer le cœur d’un mort. Un sourire ravageur, un sourire qui voulait dire qu'il était particulièrement heureux de cette situation. Anna quant à elle, était presque blanche. Elle ne pouvait plus retourner en arrière, elle avait signé les papiers et Roger avait l'air tellement heureux. Elle allait donc se retrouver 2 fois par semaine, à s’entraîner avec cet homme, avec qui elle a vécu une aventure et qu'elle avait précautionneusement évité depuis des semaines.
Mardi soir, elle prépara son sac avec beaucoup d'appréhension. Elle redoutait d'être avec lui, elle redoutait qu'il ne se passe encore quelque chose et surtout elle redoutait qu’il lui fasse des remarques parce qu’elle ne l'avait pas laissé entrer dans la douche. Elle avait aussi peur qu'il lui fasse des sous-entendus devant d'autres personnes. Elle se disait bien qu'elle ne serait pas la seule à s'entraîner. Elle n'avait aucune envie que qui que ce soit n’apprenne ce qui s’était passé entre eux et encore moins le vieux Roger qui lui portait beaucoup d'estime. Elle ne voulait pas le décevoir.
En arrivant à la piscine, Anna fila directement dans les vestiaires pour se changer. Le dénommé Édouard était déjà là, son magnifique corps immergé dans l'eau. Il était accompagné d’un groupe : il y avait un garçon d'une dizaine d'années, une jeune fille d'une quinzaine d'années, une autre de 25 ans et un l'homme d'une cinquantaine d'années. La team était complète.
Édouard fit les présentations. Le jeune garçon avait 10 ans tout pile et s'appelait Josh, la jeune fille âgée de 17 ans, s’appelait Carla, la jeune femme de 26 ans se prénommait Hélène et l'homme de 52 ans, Alain. Ils formaient une sacrée équipe qui n'avait pas du tout l'air professionnelle. On aurait plutôt dit une bande de bras cassés pataugeant dans une piscine bien trop grande pour eux.
Anna se sentit un peu désespéré. Elle se disait qu'elle n'aurait jamais dû se lancer dans un championnat d'amateurs, qui était, de toute évidence, composé d'amateurs. La petite troupe la salua chaleureusement. Même s'ils n'étaient pas tous des champions, elle avait pu remarquer qu'ils étaient fortement motivés. Cela reboosta immédiatement son moral.
L’entraînement dura 1h30. Une partie de la piscine leur était réservée et ils partageaient à deux le même couloir. Anna était avec Alain, faisant clairement parti du club des plus vieux. Carla et Hélène étaient ensemble et montraient beaucoup d'intérêt à Édouard. Elles faisaient tout ce qu'il leur demandait avec beaucoup d’attention voire de zèle. Le petit garçon était bruyant mais attentif. Quant à son partenaire, le dénommé Alain, il avait, certes, une passion pour la natation mais la natation n'avait aucune passion pour lui. Anna essaya de l'aider plusieurs fois notamment à récupérer son souffle et à avoir des mouvements plus longs et plus harmonieux.
À la fin de la session Édouard s'approcha d'elle.
« Tu as bien géré avec Alain. Merci ! On aurait dit que tu étais mon assistante… D’ailleurs, je devrais peut-être faire de toi mon assistante. Après tout, tu es la meilleure nageuse du groupe. Tu auras probablement besoin de moins de temps qu’eux pour atteindre un bon niveau. Je pense que tu devrais rester un peu plus tard ce soir, qu’on puisse en parler… »
En prononçant ces derniers mots, il l'avait regardé avec beaucoup d'intensité. Elle n'était pas sûre s’il espérait plus ou s’il voulait juste parler. Elle baissa les yeux, gênée et lui répondit :
« Ils ont bien assez avec un entraîneur et je dois rentrer chez moi… »
Carla, ayant remarqué l'intérêt trop particulier que portait Édouard à Anna, attrapa celle-ci par le bras et l'entraîna vers les vestiaires.
« Allez, viens ! On va se doucher ! »
Anna se laissa tirer par la jeune fille qui sans le savoir, venait de la sauver d'une situation plus qu’inconfortable. Elle sentait le regard pesant d'Édouard sur elle.
Hélène et Carla étaient des jeunes filles assez sympathiques et contrairement à ce qu'Anna aurait pu penser, elle passa un chouette moment dans les vestiaires avec elles. Elle aurait pu être leur mère - enfin une très jeune mère - mais la joie et la légèreté des jeunes filles, réveilla en elle son instinct de jeune fille qu'elle avait depuis longtemps oublié. Elles rirent un long moment en parlant d’Alain et du petit Josh. Elles étaient d’ailleurs un peu mesquines. Puis elles finirent par se séparer en se promettant de se retrouver jeudi.
Anna était, maintenant, seule, dans le parking désert de la piscine. Elle s’approchait rapidement de sa voiture quand elle sentit une main l’agrippée. C’était Édouard. Il la plaqua contre la voiture sans ménagement.
« Tu m'as manqué, tu sais… dit-il le souffle chaud en s’approchant du visage d’Anna. Pourquoi tu ne m'as pas ouvert la porte…
- Édouard, je suis mariée, je suis une mère et ton comportement est plus qu'inapproprié !
- Je ne t'ai pas forcé… A baisser cette bretelle… »
Il avait le regard si intense qu’Anna sentit tout son corps se réveiller.
« Ce n'est pas le sujet… souffla la jeune femme, troublante de désir.
- Embrasse-moi ! »
Cela avait sonné plus comme un ordre qu’une demande. Anna voulait lui résister mais l'emprise mentale et physique de l'homme était bien trop forte. Elle avait tellement envie de lui, d’être avec lui mais elle ne bougea pas. Il l'embrassa donc fougueusement contre la portière de sa voiture. Un baiser passionné qui ne laissait aucun doute sur ses intentions. Il finit par ouvrir la portière pour pousser la jeune femme à l'arrière de la voiture. Cela faisait si longtemps depuis leur première étreinte, elle l’avait tellement désiré. Il lui avait manqué, ça lui avait manqué, de sentir son corps, ses membres puissants, le désir et le plaisir qu'il provoquait en elle. Et maintenant elle se retrouvait à l'arrière de sa voiture, le jeune homme penché sur elle, l'embrassant fougueusement, l'empêchant de reprendre sa respiration. Elle aurait voulu le repousser dans un éclair de lucidité, elle aurait voulu lui dire de partir mais elle sentait déjà la chaleur monter dans ses reins et son cerveau ne pouvait plus fonctionner normalement. Elle avait tellement envie de lui, tellement envie de ressentir une fois encore cet orgasme qui l’avait empli de satisfaction la première fois. Elle voulait absolument qu'il se donne à elle et elle voulait se donner à lui.
Édouard, il s'appelait Édouard. Pour la première fois elle pouvait prononcer le nom de celui qu’elle désirait. Pour la première fois elle pouvait se donner à cet homme dont elle connaissait finalement le nom.
« Édouard, je te veux… Je veux te sentir en moi… murmura-t-elle la voix chaude et suave. »
Comme à son habitude, il ne décrocha pas un mot et se contenta de la regarder intensément, un long moment, un trop long moment. Enfin, il lui retira violemment le jogging qu'elle avait découvrant ses sous-vêtements - qui étaient loin d'être attrayant, mais le jeune homme ne s’en préoccupait pas - ils étaient seulement un obstacle à ce qu’il désirait vraiment. Il lui arracha presque sa culotte. Il écarta ses jambes et enfuit sa tête dans son triangle d'or. Il commença à faire glisser sa langue de long en large, tétant le liquide de la vie. Anna se cambrait de plaisir.
Elle avait tellement rêvé de ce moment, elle avait tellement rêvé de se retrouver encore une fois avec lui et elle n'aurait pu imaginer que ce serait toujours aussi intense, que ce serait même plus intense que ce qu'elle avait imaginé. Elle l'agrippa par les cheveux, ils étaient doux et tendres. Pourtant sa chevelure, cette texture était envoûtante et sexuelle. Tout était envoûtant et sexuel chez cet homme, même un brin de cheveux. Elle lui agrippa la tête et l’enfonça encore un peu plus profondément dans son intimité. Les mains du jeune homme soulevaient légèrement ses fesses pour une meilleure prise et il la dévorait avec l’intensité du désir.
Cela faisait des semaines qu'il la voulait, qu'il ne pensait qu'à elle mais ça, elle ne le savait pas. Anna se laissa aller à ses états les plus primaires. Elle ne pensait plus à rien, elle profitait juste de cette langue qui se délectait sur son intimité de ses mouvements incroyables qui la faisaient se cambrer comme un oiseau de paradis. Un doigt s'était introduit pour soutenir la langue qui se baladait. La chaleur commençait à monter en elle, elle savait que ça allait arriver. Elle se souvenait de cette sensation qu'elle avait ressenti la première fois et quelques secondes plus tard elle exulta de plaisir dans un cri qu’elle n’eut pas besoin de contenir. Édouard se redressa pour admirer son amante qui irradiait de plaisir.
Il déboutonna son pantalon et l’abaissa légèrement. Il ne portait pas de boxer, il était déjà nu sous le pantalon. Il commença à se toucher tout en la regardant et Anna se redressa sur la banquette. Elle avait envie de prendre ce membre impressionnant dans sa bouche, de sentir ses lèvres descendre sur la peau veinée du pénis d’Édouard, et elle le fit, lentement, savourant chaque centimètre, chaque millimètre de ce membre. Édouard lâcha un petit cri de plaisir et déposa sa main dans de la chevelure d’Anna. Il l'aida ainsi en dirigeant ses mouvements pour qu'elle puisse au mieux le satisfaire. C’est vrai qu'elle n'était pas une experte, elle n'avait pas l'habitude de pratiquer ce genre de chose. Cela avait dû lui arriver une quinzaine de fois dans toute sa vie et habituellement elle n’aimait pas ça. Mais celui d'Édouard était plus qu’appétissant, il donnait envie de se prosterner devant lui, de le lécher, de le flatter et de le manger tout cru. Édouard accéléra encore un peu plus la cadence et finit par s'arrêter. Il sentait que le désir allait arriver et il ne voulait surtout pas éjaculer avant d'avoir pu, encore une fois, se loger dans l'intimité de celle qu'il convoitait.
Il la retourna violemment et elle se retrouva à quatre pattes sur la banquette arrière de sa voiture. Il s'enfonça violemment en elle tout en lui maintenant la tête en arrière par les cheveux. Il faisait un rodéo judicieux où chaque mouvement de son pénis apportait à la femme un plaisir encore plus intense. Elle n’aurait jamais pensé qu’un jour elle se retrouverait à l'arrière d'une voiture, se faisant ainsi prendre par un homme qu'elle connaissait à peine et pourtant ce moment était divin. Anna l'appréciait, le savourait.
Il accéléra encore et encore, lui faisant même un peu mal mais elle ne s’en plaignait pas. À chaque mouvement de rein, la chaleur augmentait dans son bassin et l'orgasme commençait sa course folle pour exploser à l'intérieur d'elle. Elle avait tellement de plaisir que cela en était irréel. Édouard, lui un peu trop grand pour l'habitacle de la voiture, essayait de tenir sa position tout en prenant plaisir à ce qu'il faisait. Il avait tellement rêvé de refaire l'amour avec cette femme qui lui avait tout de suite plu. Elle avait ce quelque chose, ce quelque chose inexplicable et il avait juste eu envie d'elle, une folle envie. Il accéléra, encore, encore, plus violemment la poussant carrément contre la vitre de la voiture, il allait venir, elle aussi, il le sentait.
Sur ses mouvements encore plus agressifs, la jeune femme se contractait de plus en plus, ils allaient venir ensemble. C’est ce que voulait Édouard. C’est ce qu'il avait toujours voulu : un plaisir partagé totalement par deux êtres au même moment. Encore un mouvement un peu plus appuyé et elle le sentit éjaculer en elle. Il referma son étreinte sur tout son corps tandis que le sien se contractait laissant exploser un orgasme intense et cette fois-ci, elle n'eut pas à retenir les cris de joie et de plaisir qui finalisèrent ce magnifique orgasme.
Ils restèrent un moment l’un contre l’autel mais bien vite Anna se rappela qu’elle était attendue à la maison et le poussa sans ménagement en dehors de la voiture.
Anna rentra chez elle et fila sous la douche. Elle avait peur que son mari ne sente l'odeur d’un autre homme sur son corps encore marqué par le plaisir. Elle se sentait encore plus honteuse, elle n'avait pas su lui résister, encore une fois. Et serait-elle capable de lui résister encore sachant qu'elle devrait le croiser tous les mardis et tous les jeudis de mois qui allaient suivre ? Édouard s’était montré clair par rapport à ce qu’il voulait et capable de surgir à n’importe quel moment.
Elle descendit de sa douche beaucoup plus fraîche et en peignoir. Son mari s’était endormi sur le divan, elle décida de ne pas le réveiller. C’était plus commode comme ça, elle n'aurait pas à lui parler, à lui raconter comment s'était passé sa soirée et surtout à lui mentir en le regardant droit dans les yeux. Comment réagirait-il si elle le lui disait ? La quitterait-il sur le champ ? Voulait-elle qu’il la quitte ? Anna se posait tout un tas de question dont les réponses semblaient inlassablement lui échapper. Elle le recouvrit avec le plaid bleu qui trônait sur le sofa et se dirigea vers sa chambre. Ce soir-là, elle prit un cachet pour dormir, ce qui était très rare mais elle savait qu'elle en aurait besoin, son esprit tournait à 100 à l’heure et la culpabilité creusait un trou dans son cœur.
Nadine, toujours friande de ragots, l'appela le lendemain matin et l’invita à déjeuner. Anna raconta à sa meilleure amie ce qui s'était passé le soir précédent et cette dernière avait l'air très contente de la situation. Petit à petit Anna s'habituait à vivre avec cette culpabilité qui planait toujours dans un coin de sa tête.
« Et quoi ? Jeudi tu vas le revoir ? Enfin tu sais ce que je veux dire pas le revoir, pas le revoir, revoir mais le revoir ! »
Sur le dernier « revoir », Nadine avait ouvert grand les yeux, excitée par son propre propos, comme si la scène se déroulait devant elle.
« J'espère bien que jeudi ça ne se passera pas comme ça… Je ne veux pas que ça devienne une habitude… Au contraire !
- J'aimerais trop le voir, cet Édouard ! J'aimerais bien voir à quoi il ressemble. Je pourrais venir avec toi jeudi ! Si tu veux, bien sûr ! En plus, si je suis là, il y a très peu de chance qu’il se passe quoi que ce soit entre vous deux… Et puis, je pourrais lui faire des avances… Diriger son attention sur quelque chose d'autre, enfin quelqu’un d’autre ! »
Anna la toisa avec un air perplexe. Elle n'avait vraiment peur de rien, cette Nadine mais ce n'était pas une mauvaise idée. Si sa meilleure amie l'accompagnait, il y avait très peu de chance qu’il se passe quelque chose et peut-être que de voir Edouard porter de l’intérêt à Nadine, bloquerait un peu plus Anna.
« Tu sais quoi ? En fait, pourquoi pas ! Ce n'est pas une mauvaise idée, pas mauvaise du tout ! »
Nadine exulta de joie. Elle avait tellement envie de voir cet Édouard. Elle avait tellement envie de voir l'homme qui avait réussi à détourner sa meilleure amie du chemin de la droiture et surtout elle avait envie de voir, si elle aussi pourrait profiter de l'homme au corps d'Apollon.
Jeudi soir, Nadine passa prendre sa meilleure amie chez elle. Elle ressemblait à ces femmes d'un certain âge qui ne se voient pas comme des femmes mûres mais comme des jeunes filles en fleur. Elle avait mis une jupe bien trop courte pour cette période de l'année, un décolleté plongeant laissant entrevoir sa poitrine généreuse et elle s'était maquillée à outrance. Une chose était sûre, Nadine n’avait vraiment aucun goût et n’avait toujours pas compris que c’était exactement à cause de ce comportement qu’elle était toujours célibataire à son âge.
Anna monta, donc, dans la voiture avec sa meilleure amie et elles partirent pour la piscine. Durant le trajet Nadine parla sans s'arrêter, tandis qu’Anna restait silencieusement songeuse. Elle était tout aussi effrayée à l'idée de le voir, comme elle était tout aussi excité à cette même idée. Mais bon, elle se rassura sur le fait que Nadine ne manquerait pas de faire tout pour qu'il ne se passe rien entre eux et tout pour probablement s’attirer les faveurs du jeune homme.
Elles se garèrent sur le parking et Nadine lui demanda si elle était prête. Anna acquiesça et les deux femmes sortirent de la voiture. Nadine, n’étant pas nageuse ni en costume de bain, n’était pas autorisée à rester dans l'enceinte de la piscine, du moins pas près du bassin. Elle était donc cantonnée aux gradins qui se trouvaient un petit peu en hauteur où elle avait une vue plongeante sur la piscine. Anna rejoignit Carla et Hélène dans les vestiaires. Les deux jeunes filles étaient déjà prêtes.
« Ce n’est pas sérieux ! lui dit Carla en la taquinant. Tu es en retard, Roger ne va pas être content !
- Je suis venue avec mon amie et ça a pris un peu de temps pour qu'elle se prépare… Vous verrez, vous la remarquerez tout de suite, elle est dans les gradins… »
Elles sortirent du vestiaire et tous les hommes de leur team étaient déjà là. Nadine était accoudée en hauteur à la balustrade faisant voir à tous les mâles de la piscine sa poitrine généreuse.
« Anna, houhou, je suis là ! hurla-t-elle en agitant les bras.
- Ah oui, c'est elle ! On ne peut pas ne pas la remarquer ! ricana Hélène en regardant Anna.
- Elle est haute en couleur ! renforça Carla. »
Édouard s'était retourné en entendant les jeunes femmes arriver et surtout en entendant la voix stridente de la femme, enfin de la femme d'un certain âge, blonde peroxydée, qui agitait ses mains depuis la balustrade.
« Tu la connais ? demanda-t-il à Anna, perplexe.
- Oui… souffla Anna un peu gênée. C'est ma meilleure amie, Nadine. Elle est venue pour nous supporter, pour nous encourager…
- Ah oui… C'est très encourageant dis donc ! »
Il avait dit cela avec une pointe de dégoût dans la voix et Anna ne put s'empêcher d'être contente qu’Édouard ne soit pas sensible au charme de sa meilleure amie.
L'entraînement se passa plutôt bien, malgré Nadine qui prenait toutes sortes de poses sur cette fameuse balustrade attirant les regards de tous les hommes de la piscine et spécialement d'Alain. Il avait manqué de se noyer par deux fois tellement il était concentré sur l’énorme poitrine qui tanguait sous les gestes exubérants de Nadine.
« C'est une bien belle femme… dit Alain à Anna.
- Oui c'est une bien belle femme, comme tu dis…
- Et, si je peux me permettre, elle est libre ?
- Libre comme l'air ! répondit Anna en le regardant avec un air qui ne laissait pas de place au doute, son amie était une personne ouverte. »
C'était d'ailleurs à ce moment précis qu’Alain avait failli se noyer pour la deuxième fois. En revanche Édouard était fort agacé par la présence de cette dernière, elle empêchait son équipe de se concentrer, que ce soit le jeune garçon Josh qui la regardait comme un jeune garçon regarde une femme ou les filles qui ricanaient tout en se moquant. Il se demandait aussi pourquoi Anna avait amené sa meilleure amie à son entraînement. Il avait bien compris qu'avec la présence de cette dernière, il ne pourrait probablement pas avoir un petit moment privé avec Anna.
À la fin de l'entraînement, Nadine proposa, toujours accoudée à la balustrade, de rejoindre tout le groupe pour boire un verre au petit bar de la piscine. Bien qu'Édouard essayât ardemment de décliner, sous la motivation d’Alain et des deux jeunes, il fut bien obligé d'accepter. Anna était assez dérangée par cette proposition. Elle savait bien que le but de sa meilleure amie était de se rapprocher du maître-nageur et plus si affinités. Bien que ce fut le plan initial, maintenant qu’Anna était dans l‘instant présent, elle n'avait plus du tout envie de voir sa meilleure amie se rapprocher de son amant secret.
Ainsi toute la troupe se rejoignit au bar. Seul Josh était absent, il devait rentrer avec ses parents. Alain était vraiment intéressé par Nadine et on pouvait voir qu'il avait du mal à s'exprimer. Ce n'était pas le genre d'homme à draguer : il était un peu gauche, un peu vielle école et ça avait quelque chose de très mignon, de très attendrissant. Mais Nadine restait insensible au charme du vieil homme. Elle était totalement concentrée sur Édouard et elle s'approchait de lui à chaque occasion, le frôlant, lui touchant l'épaule, riant bêtement à des blagues que le jeune homme n’avait même pas faites. Nadine faisait son cinéma et cela en était presque navrant. Édouard était très mal à l'aise. Il avait essayé plusieurs fois de parler à Anna mais à chaque fois, Nadine s’était interposée rendant tout contact impossible. Si bien que 30 minutes après le début de ce verre amical, Édouard s'enfuit sans demander son reste, prétextant un rendez-vous important. Nadine n’en cacha pas sa déception. Anna, elle, était plutôt contente, ce cinéma l’avait fatiguée. Les deux amies quittèrent la piscine peu de temps après le départ du nageur. Nadine ne voyait pas l’intérêt de rester là.
« Qu'est-ce qu'il est beau, Anna ! Et je suis sûre qu’il n'est pas insensible à mon charme… Tu as vu comme il me regardait ? »
Effectivement, le jeune homme l’avait beaucoup regardée mais son expression de merlan-frit laissait plutôt penser à Anna qu’il avait été choqué du comportement de Nadine.
« Si tu le dis…
- Ne sois pas jalouse… Anna… Ce n'est pas ma faute si je plais… »
Anna connaissait sa meilleure amie, quand elle rentrait dans ce genre de discours c’est qu’elle savait qu’elle avait foiré et qu’elle avait besoin de se rassurer pour ne pas s’effondrer. Nadine vivait comme cela depuis des années, dans une forme de déni qui l’aidait à surmonter sa vie amoureuse chaotique.
« En tout cas, une chose que j’ai bien remarquée c’est que tu plais énormément à Alain.
- Alain ? Tu parles du vieux ?
- Il n'est pas si vieux que ça, il a 52 ans ! A peine 10 ans de plus que toi et puis il est plutôt bel homme pour son âge et il a une très une bonne situation. C’est vraiment un homme charmant !
-Je ne vois vraiment pas pourquoi tu me parles d'Alain… A moins que ce soit parce que tu ne veux pas qu'il se passe quelque chose entre ton Édouard et moi ? »
Anna avait senti que la conversation pouvait tourner au vinaigre et elle commençait à regretter d'avoir amené sa meilleure amie. Elle se dépêcha donc de rentrer et de se séparer de celle qui était devenue assez encombrante.
Les semaines qui suivirent, Nadine accompagna à chaque fois sa meilleure amie. Même si Anna avait essayé délicatement de lui faire comprendre qu’elle n’appréciait pas son acharnement. La situation était, également, plus que désagréable pour Édouard qui n’avait aucunement l’occasion de s’approcher d’Anna. Au moins, dans son agacement contre sa meilleure amie, Anna y trouvait un bon côté : elle ne se retrouvait jamais seule avec le jeune homme et il n'avait aucune possibilité de la pousser dans ses retranchements. C'était loin d’être la situation idéale, mais au moins Anna était tranquille. Elle savait qu'elle ne ferait plus d'écart avec Édouard et cela rassurait son esprit toujours tourmenté par la culpabilité.
Le temps passait et Édouard se montrait de plus en plus taciturne. Il avait essayé plusieurs fois de parler avec Anna, mais celle-ci avait, à chaque fois, clôturé la conversation, ne le laissant même pas placer un seul mot. On était maintenant à trois semaines du championnat et Anna se sentait prête. Roger était même venu renforcer l'équipe d'entraîneurs et s'occupait avec intention de ses champions. Les entraînements avaient maintenant lieu trois fois par semaine, le mardi soir, le jeudi soir et le samedi soir après la fermeture de la piscine. Par chance, pour Édouard, le samedi, Nadine ne venait pas. En effet cette dernière mangeait avec sa mère. C’était un rituel auquel elle n'avait jamais dérogé et malgré l'envie qu'elle avait d'être près du maître-nageur, sa relation fusionnelle avec sa mère primait. Ainsi, ce fut la première fois depuis des semaines qu’Édouard eu enfin l'occasion de se retrouver seul avec Anna. Tout le monde était déjà parti. Anna avait fait exprès de rester seule dans les vestiaires, cela faisait quelques jours qu'elle espérait de nouveau que quelque chose se passent entre eux.
En étant au contact du jeune homme, si souvent, son désir était revenu au galop et elle avait commencé à l’apprécier pour d’autres motifs que son corps parfaitement dessiné. Elle avait appris quelques petites choses sur sa vie qui l’avait rendu beaucoup plus agréable, beaucoup plus réel. Ce n'était pas juste un beau garçon qui paradait à la piscine. Édouard venait d'une très bonne famille, une famille où le sport n'avait pas sa place. Son frère était avocat et sa sœur chirurgienne. Lui avait choisi une carrière sportive contre l'avis de ses parents. Malheureusement, alors qu’il était au top de sa forme et de sa carrière, alors qu’il était presque arrivé à son but, celui de devenir champion de France, il avait eu un accident qui l'avait empêché de concourir pendant des mois. Ses parents lui avait fait sentir de manière détournée qu'ils l'avaient toujours pressenti et que c'était bien fait pour lui. Le jeune homme de bonne famille qui avait un avenir radieux devant lui, s’était retrouvé à travailler pour son père et ce dernier le traitait comme un raté. Le seul moment de plaisir, d’échappatoire pour Édouard s’était de se retrouver à la piscine tous les soirs pour faire ses longueurs et de profiter de ce sport qui était plus qu'une passion pour lui, qui était toute sa vie. S’il aimait jouer le coq devant les filles, ce n’était que pour se rassurer un peu face aux brimades qu’il prenait durant la journée. Il n'était, donc, pas juste le beau jeune homme superficiel de la piscine comme l’avait pensé Anna pendant des mois. C’était un être plus complexe, un être blessé.
Elle avait pu, aussi, comprendre au fur et à mesure qu'il n'y avait pas d'autres femmes dans sa vie, qu'il ne faisait pas ce genre de chose avec tout le monde. En tout cas, elle savait qu’Hélène avait essayé plusieurs fois et qu’il lui avait clairement dit non. Alors que la jeune fille était d’une beauté difficilement inappréciable et inappréciée. Elle avait vu Nadine essuyer aussi ces refus et tous les soirs, il était là, à la piscine. Il n'avait ni amis, ni petite amie. Sans vraiment le vouloir, Anna s'était mise à rêver qu’ils pourraient être ensemble, et que, peut-être, ils pourraient former un couple. Petit à petit, en passant du temps avec lui, elle s'était rendu compte qu'ils avaient plus d'atomes crochus qu’elle ne l’aurait pensé. Il avait même un certain humour. Un humour qui plaisait beaucoup à Anna qui aimait beaucoup rire. Et malheureusement, c'était une des choses qu'elle appréciait le moins chez Martin, il n'avait aucun humour. C’était un homme gauche, le seul humour qu'il possédait c'était malgré lui, par sa maladresse. Et ce qui avait à l'époque attendri Anna, était devenu ce qu'elle détestait le plus chez l'homme qu'elle avait t'épousé.
Anna était donc seule dans les vestiaires rangeant son matériel avec une lenteur extrême, espérant qu’Édouard fasse son apparition et c'est ce qu’il fit.
« Je commençais à croire que je n'aurais plus jamais un moment seul avec toi…
- Tu sais, tu peux certainement trouver une autre personne pour faire tes petites affaires…
- Pourquoi es-tu si acide ? Qui te dit que je veux juste faire mes petites affaires, comme tu dis…
- Parce que c'est juste cela qu'il y a eu entre nous, de brèves incartades sans même discuter… »
Le jeune homme s’approcha un peu plus d’elle.
« Tu sais Anna, quand je t'ai vu pour la première fois, je m'en souviens encore, tu avais ton maillot noir de sport et tu brassais tranquillement dans la piscine. Je ne sais pas ce qui s'est passé, je ne sais pas comment on peut appeler ça… Mais je t’ai tout de suite désiré et crois-moi ça ne m'était jamais arrivé avant… Il s’est passé quelque chose en moi…
- Arrête… Tu me sors les violons maintenant !
- Je suis sérieux. Même si tu ne me crois pas… J'aimerais beaucoup qu'on aille dîner ensemble…
- Dîner ensemble ? Je te rappelle que je suis mariée !
- Je sais, je sais. Tu crois que cela ne me dérange pas ? Si tu n'avais pas été mariée, je t'aurais déjà invitée à sortir depuis bien longtemps…
- Mais qu'est-ce que tu racontes… »
Anna était perturbée par le discours qu’il tenait. De plus, le jeune homme avait le regard mouillé, une profonde tristesse sortait de lui et elle comprit qu'il était sérieux. Ce n'était pas juste une histoire d'un soir, il avait vraiment envie de l'emmener au restaurant, il avait vraiment envie de passer un moment avec elle.
« Ça devient beaucoup trop sérieux pour moi ! répondit Anna désemparée. Il faut que je parte !
- Attends ! »
Édouard l'arrêta par le bras et tu lui dis :
« Si tu ne veux pas parler… Alors laisse-moi au moins t'embrasser. »
Anna avait rêvé de ce moment depuis des semaines, rêver de ses lèvres contre les siennes. Elle se laissa donc faire.
Quand elle rentra chez elle, elle était encore plus perturbée. Cette histoire qui n'était qu'à la base du sexe prenait une toute autre tournure. « Et si, et si » voilà les mots qui résonnaient dans sa tête, elle avait tellement envie d'être avec lui, de partager plus qu’un moment dans un vestiaire, dans une piscine publique…
Lors des trois dernières semaines d'entraînement, ce ne fut pas Anna qui évita Édouard mais Édouard qui évita Anne. Elle n’y comprenait plus rien. Elle qui pensait qu’après ce nouveau moment dans les vestiaires, cette histoire reprendrait de plus belle, elle qui le désirait toujours plus. Mais il s'enfuyait à chaque fois après l'entraînement. C’était elle, maintenant, qui voulait lui parler, c’était elle, maintenant qui voulait le voir. Elle attendait le soir, seule, dans le vestiaire, après que tout le monde soit parti. Elle espérait qu’il la rejoigne. Mais Édouard ne venait plus. Anna ne savait plus quoi faire, quoi penser. Peut-être avait-il changé d'avis ? Peut-être avait-il fait ce beau discours pour la consommer une dernière fois avant de changer d'avis et de se diriger vers une nouvelle proie une femme plus jeune, une femme sans mari.
Étonnamment, Nadine avait changé ses intérêts et même si elle continuait à venir, elle ne venait plus pour Édouard mais pour Alain. Ils avaient, même, commencé à se fréquenter. Ils étaient déjà sortis deux fois au restaurant et Anna trouvait son amie changée. Elle ne s'habillait plus de manière outrancière, elle ne rigolait plus bruyamment. Non, pour une fois, Nadine avait l'air tout à fait normal, une femme de son âge, une femme équilibrée.
« Alors ? Avec Alain ? questionna Anna, avide de détails.
- Eh bien… Tu ne me croiras jamais… Mais je crois que j'ai trouvé l'homme de ma vie !
- Vraiment ? C’est génial ! Incroyable, toi qui ne voulais même pas le regarder…
- Je pense que tu avais raison.
- De quoi ?
- Tu te souviens quand on était jeune, on a eu cette discussion où je t'ai demandé pourquoi toi, tu avais trouvé l'homme parfait…
- L'homme parfait…
- Oui, parfait ! Tu comprends ce que je veux dire, mais tu te souviens de ce que tu m'avais répondu ?
- Non, je ne me souviens même pas de la conversation…
- Moi je m'en souviens très bien ! Comme si c’était hier ! Tu m'avais répondu : « Tu ne trouves pas l'homme fait pour toi parce que les hommes biens, tu ne les regardes pas ! Parce que ce qui t'intéresse, c'est ce que tu ne peux pas avoir ou les mauvais garçons ! Le jour où tu t'intéresseras à une personne bien, une personne qui s'intéresse à toi pour qui tu es et non pour ta petite jupe courte, tu trouveras l'amour ! » Eh bien, tu avais raison ! Tu avais raison depuis le début ! Et Alain est un homme formidable !
- C'est vrai, c’est un homme vraiment bien ! Je suis réellement heureuse pour toi ! Tu le mérites et je trouve qu'il te fait beaucoup de bien ! Tu es ravissante !
- C'est la première fois que tu me fais un compliment comme ça… Ça doit dire que je suis vraiment canon !
Les deux jeunes femmes éclatèrent de rire ensemble. Cela faisait plusieurs mois, voire plusieurs années qu'elles n'avaient pas eu une discussion aussi agréable, une discussion honnête et sincère.
« Et Édouard ?
- Je ne sais pas… Il m'évite. Je pense qu'il n'a plus envie qu'on se voie. Enfin qu'on se voie… Ce n’est pas comme si on se voyait… Je veux dire qu’on fricote…
- Je ne sais pas… Il te regarde tout le temps et quand il te regarde, je n’ai pas l'impression que c'est juste du désir mais autre chose, quelque chose de plus profond.
- Franchement Nadine, j'ai bien pensé à cette situation… Et je pense que même si Édouard et moi on ne doit rien vivre ensemble, il est grand temps que je prenne certaines décisions. Je parle de Martin et moi, bien sûr.
- Martin ? Ton Martin ? Tu veux divorcer ? répondit Nadine abasourdie à l’idée que ce couple qu’elle avait connu toute sa vie n’existe plus.
- Non, je n'ai pas dit ça… Mais en tout cas, il va falloir qu'on ait une conversation, et une sérieuse…
- Eh bien… Je ne me serais jamais attendue à ça…
- De toute façon, maintenant, ce qui compte c'est le championnat ! Il reste 2 semaines et je compte bien gagner ! Après, il sera bien temps de nettoyer le bordel de ma vie !
- Eh bien… Ça promet….
Les deux dernières semaines avant le championnat, l'entraînement s'intensifia encore un peu plus. Roger était complètement hystérique, il avait demandé à tout le monde de sacrifier pratiquement toutes les soirées de la semaine pour se préparer et l'homme qui était d'habitude si gentil, était devenu un vrai tyran. Il criait, s’excitait sur le bord de piscine. Il criait même sur Édouard. Anna était, d’ailleurs, très surprise par le comportement du vieil homme mais elle l'acceptait. Elle savait combien il voulait gagner et fondamentalement elle aussi.
Le championnat se déroula en 5 manches et sur 5 semaines, par ordre d'âge. Le premier dimanche était donc le championnat de Josh et toute l'équipe s'était réunie pour soutenir le jeune garçon. Ils étaient tous dans les gradins avec des banderoles. Josh accompagné de sa famille était fier comme un paon. Il avait vraiment envie de réussir, vraiment envie de gagner. C’était un petit bonhomme adorable. La course démarra au son du pistolet de l'organisateur principal qui était un sponsor bien connu des Français par son enseigne de magasins de sport.
Josh s'élança telle une flèche et commença ses mouvements avec beaucoup d’élégance et de beauté. Le jeune garçon qui pataugeait à peine, il y a encore quelques mois, était devenu un vrai nageur qui aurait, s'il continuait sur sa lancée, une grande carrière devant lui. Anna, dans les gradins, accompagnée de Nadine et Alain, se trouvait juste à côté d'Édouard. Derrière elle, les deux jeunes filles de la team étaient venues accompagnées de plusieurs de leurs amis et hurlaient pour soutenir le jeune garçon. Il lui restait quelques mètres à parcourir, il allait enfin toucher le bord du bassin. Josh fut deuxième et gagna la médaille d'argent. Bien sûr, il n'était pas le grand gagnant du jour mais c'était déjà une très belle récompense ! Roger était très content et Édouard aussi. Toute l’équipe l’acclama chaleureusement. Après la course, tout le monde se rejoignit pour aller manger un bout dans un restaurant proche du stade olympique où se déroulait la compétition. Anna, sans faire attention, s’était assise à côté d'Édouard. Il ne lui avait toujours pas décroché un mot et avait toujours un air triste imprimé sur le visage lorsqu’il la regardait.
Le dîner se déroula dans la bonne humeur et tout le monde rigolait. Le visage d’Édouard avait même fini par se détende. À un certain même, Anna, enivrée par l’alcool et la victoire, posa sa main sur la jambe d'Édouard. Il ne réagit pas ou en tout cas fit comme si de rien n'était. La main de la femme se glissa lentement vers l'intimité du jeune homme et commença un léger mouvement de frottement pour le stimuler. Au bout de quelques secondes, il attrapa la main d’Anna et la repoussa vivement.
« Arrête… murmura-t-il pour que personne ne l'entende. »
Anna ne s'attendait pas à ce qui la rejette ainsi et cela gâcha la fin de son repas. Nadine avait compris toute la situation et elle la regardait avec un air désolé, ce qui n'aidait pas Anna à se sentir mieux. Après le repas Anna grimpa dans la voiture de Nadine accompagnée d’Alain.
« Alors, qu'est-ce qui s'est passé ? s’empressa de demander Nadine. »
Anna la fusilla du regard. Comment osait-elle parler de ça devant Alain ?
« T’inquiète ! Tu peux tout dire devant lui. Il est au courant de tout. Je ne cache rien à mon Alou. »
Anna était choquée que son ami se soit permise de raconter ses escapades avec le maître-nageur et elle s'apprêtait à assaillir Nadine quand Alain intervint.
« Elle n'a pas eu vraiment besoin de me dire quoi que ce soit… Cela se voit qu’il y a quelque chose entre vous et qu’il est amoureux de toi… »
Anna rougit de plus belle.
« Comment... Comment ça ? bredouilla-t-elle.
- Vous savez, ce n'est pas à un vieux singe qu'on apprend à faire des grimaces ! Eh bien que je n’aie jamais pensé qu'il s'était passé quelque chose de… Disons… physique entre vous. C’est une évidence que ce jeune homme t’aime beaucoup…
- Tu vois Anna ! On peut parler devant lui, Alain n'est pas quelqu'un qui juge de toute façon ou sinon il ne serait pas avec moi !»
Nadine avait fait cette boutade pour détendre l'atmosphère et cela avait marché, Anna lâcha un petit rire et se détendit immédiatement.
« J'ai essayé de lui parler, de me rapprocher mais il reste fermé. Il s’est éloigné, je ne sais pas pourquoi et quoi faire… Je perds pied…
- Si je puis me permettre… intervint Alain, conscient de la détresse de la femme. Cela ne doit pas être facile pour lui, il est amoureux de toi, j'en suis presque sûr ! Mais tu es une femme mariée, tu as des enfants. Il sait qu’il a peu de chance et surtout qu’il pourrait détruire ta vie… Cela ne doit vraiment pas être place facile et je n’aimerais pas être à sa place.
- Ça ne l’ai pas non plus pour moi, tu sais…
- Oh mais très chère, je n'en n'ai aucun doute et je ne t’envie pas non plus.
- Tu vois, il est tellement compréhensif mon Alou, il a toujours les mots justes !
- C'est toi qui es parfaite ma chérie ! répondit-il en déposant un baiser sur la main de sa compagne.
- Vous allez arrêter avec vos effusions d'amour… Je suis là, désespéré et vous vous m’exploser votre amour à la face.
- Ça te changera un petit peu ! C'est toujours moi qui étais en face de ta vie parfaite et de ton amour parfait ! Eh bien, pour une fois, admire ! Parce que c'est moi qui aie l'amour parfait ! Mouhahha ! »
Nadine avait fini sa phrase en riant comme les méchants dans les vieux films. Anna, d'abord un peu surprise, éclata de rire, d’un rire sincère.
« Tu as bien raison ! Et je suis vraiment heureuse pour vous, vous êtes parfaits ensemble ! Vous êtes très mignons ! En attendant, la semaine prochaine, c'est la course de Carla et on verra bien ce qui se passe.
- Entre-temps, il y a deux autres entraînements… Qui sait ? Tu trouveras peut-être le bon moment pour parler avec Édouard…
- Je ne pense pas que que ce soit le moment… J'aimerais savoir s’il a vraiment des sentiments pour moi… Ça changerait beaucoup de choses. En tout cas, concernant les décisions que je dois prendre…
- Il vous faut donc avoir une discussion très chère et le plus vite sera le mieux ! reprit Alain avec ce calme qui ne le quittait que très rarement. Si tu veux, la semaine prochaine, je peux l'inviter à manger chez moi… Nous pourrions manger à quatre et puis on trouvera le moment pour vous laisser seuls pour discuter. Une sorte de traquenard !
- Tues un petit voyou, toi ! répondit Anna surprise par la proposition de l’homme.
- Comme je te l’ai dit, ce n'est pas au vieux singe qu'on apprend à faire la grimace ! »
Et le trio éclata de rire.
Le dimanche suivant Alain avait déposé les bases de son piège en invitant Édouard à venir manger chez lui, après la course, soi-disant pour lui montrer sa collection incroyable de boules de bowling. Édouard avait fait tout ce qu’il pouvait pour refuser mais devant l'enthousiasme d'Alain, il s’était senti obligé d'accepter. Évidemment l’homme ne lui avait pas dit qu’Anna serait invitée et qu’ils seraient quatre, mais c'était le but de ce piège.
Carla remporta la course et gagna la médaille d'or. Roger était plus que ravi. Il avait exulté comme un malade mental en plein milieu des gradins serrant Édouard dans ses bras et hurlant. Il était finalement vainqueur. Comme la dernière fois, toute la petite troupe alla manger au restaurant après la course. Carla avait invité tous ses amis pour l'occasion et ils fêtèrent tous dignement cette première victoire. Ils se séparèrent vers 16h et Alain rappela à Édouard qu'il devait être chez lui pour 19h. Édouard acquiesça du bout des lèvres, il n’était vraiment pas motivé à l’idée de ce dîner.
Alain habitait une charmante maison en plein milieu des bois avec un magnifique terrain. C’était un homme qui avait une très belle situation. Il n'avait jamais été marié et avait passé sa vie à se concentrer sur son travail. Cela se voyait à sa maison décorée de manière spartiate mais luxueuse. Alain avait deux passions dans la vie : son travail et le bowling. Il avait d'ailleurs été un grand champion dans son jeune âge. Mais maintenant, il avait une nouvelle passion et elle s’appelait Nadine.
Édouard avait été surpris et impressionné lorsqu’il avait remonté l'allée de gravier qui menait jusqu'à la propriété. Il ne s'attendait pas à passer une bonne soirée mais au moins il se disait qu'il mangerait bien et qu’il boirait du bon vin. De toute façon, il était habitué aux mondanités, ce n'était pas une de plus ou une de moins qui changerait sa vie. Il descendit de sa voiture et se dirigea vers la porte. Le carillon résonna et Anna ouvrit la porte. Elle portait une magnifique robe de satin bleu nuit. Le jeune homme resta un long moment interdit admirant la femme puis bredouilla :
« Qu'est-ce que tu fais là ?
- Alain m'a invité… Comme toi, j’imagine. Quand ça a sonné, il m'a demandé d'aller ouvrir…
- Je ne savais pas que tu serais là…
- Pourquoi ? Tu ne serais pas venu ? Moi, je savais que tu serais là… »
Elle avait prononcé ces derniers mots tout en faisant un geste pour mettre sa robe en valeur, faisant comprendre à l’homme qu’elle s’était faite belle pour lui. Le visage d’Édouard se relâcha et un sourire vint l’égayer.
Nadine et Alain étaient dans la cuisine en train de préparer des antipastis. Ils saluèrent chaleureusement le jeune homme et Alain demanda à Anna de faire visiter la propriété à Édouard étant donné qu'elle en avait déjà fait le tour et que lui était bien trop occupé pour se déplacer. Il avait un dîner à préparer et Nadine, son assistante fidèle, ne pouvait pas l’abandonner . Il assura qu’il ne pourrait pas réaliser un bon dîner si Nadine n’était pas à ses côtés. Il avait essayé d’être fin stratège mais tout le monde avait compris, particulièrement Édouard.
Anna commença, donc, le tour de la propriété. Dans le jardin toujours éclairé par les rayons du soleil, il y avait un joli petit endroit avec un petit banc où elle s'assit sans demander à Édouard s'il voulait bien s'asseoir. Il se contenta de rester debout à la regarder.
« Tu ne veux pas t'asseoir ? lui demanda-t-elle, pleine d’espoirs.
- Je ne sais pas si c’est judicieux…
- Tu ne penses pas qu'il faudrait qu'on parle ?
- Je ne sais pas Anna. Je ne sais pas… Tu ne te rends pas compte de l'effet que tu as sur moi… Il s’arrêta pour reprendre son souffle et la regarda intensément. Je suis amoureux de toi, Anna. »
La jeune femme ne s'attendait pas du tout à ce genre de déclaration. Certes, elle avait imaginé cent fois cette discussion mais même dans ses rêves les plus fous, elle n'aurait jamais pensé qu’Édouard allait lui dire qu'il l'aimait.
« Mais… Mais… Qu'est-ce que tu racontes… On se connaît à peine !
- Cela fait plus d'un an que je te vois et plusieurs mois que je t’entraîne. Je te connais, tu es Anna, une femme forte, droite, belle et intelligente. Tu es parfaite… Même trop pour mec comme moi…
- Je ne sais vraiment pas quoi te dire… Je ne m’attendais pas à ça.
- Je sais… C'est exactement pour cela que je ne voulais pas qu'on parle. Je sais très bien que mes sentiments ne sont pas réciproques…
- Édouard… le coupa-t-elle.
- Attends, je sais très bien que tu es mariée, que tu as une vie, une famille. Et qu'un homme comme moi ne pourrait pas espérer qu'une femme comme toi s’intéresse vraiment à lui. Je sais que ce n’était qu’un petit moment d'égarement pour toi.
- Édouard ! dit-elle en se relevant. Tu es bien plus que ça ! Ne crois pas que tu es juste une passade, ça ne m'était jamais arrivé avant ! Jamais de ma vie, je n'avais trompé mon mari ! Tu comptes bien plus pour moi que tu ne peux te l’imaginer… »
Édouard la regardait intensément. Il avait envie de l'embrasser et cette envie le hantait depuis des semaines. Il l’avait tellement désirée. Il avait repensé à ces incartades, à chaque mouvement qu’avait effectué leurs corps, à ces petits moments qu'ils avaient passés seuls que ce soit sous la douche ou dans la voiture. Et pendant un long moment il avait cru que jamais plus il ne pourrait serrer la femme qu'il aimait dans ses bras. Bien sûr, cela n'avait été que des moments de sexes sauvages, rapides mais pour lui cela avait représenté beaucoup plus. Il voulait l'embrasser et les mots qu’elle lui avait dits, le fait qu'il comptait pour elle, renforçaient son amour, augmentaient son désir. Il la voulait. Il s'avança vers elle et l'embrassa tendrement. Il sentait son cœur battre à tout rompre et sentait également celui d'Anna, sous sa robe de satin bleu nuit, battre en retour. Son corps lui avait tellement manqué, sa peau, son odeur qui même s’il y avait goûté un bref instant, s’étaient marqué en lui. Édouard n'avait jamais connu ça. Il n'avait jamais été amoureux et ne savait pas vraiment expliquer pourquoi mais ce qu'il ressentait pour elle n’était pas normal, c'était un amour incontrôlable. Ce n'était pas juste physique. Il la désirait c’est vrai mais il la désirait entièrement, de corps et d’esprit. Il voulait qu’elle lui appartienne, qu’elle ne soit qu’à lui.
Le baiser tendre et passionné dura de longues minutes pendant lesquels leurs langues se caressèrent aux sons des insectes et des oiseaux qui résonnaient dans le jardin. Ils s'assirent sur le banc et leur étreinte s'intensifia. Il lui avait tellement manqué. Anna avait tellement repensé à lui, à son corps, à sa bouche, à ses cheveux. Tout lui avait manqué et tout ce qu'elle désirait à ce moment-là, c'était d’être avec lui et tout près de lui, c’était de ne faire qu'un. Elle s'assit à califourchon sur les jambes de l'homme et se frotta avec douceur contre lui. Elle pouvait sentir que l'intérêt de l'homme grandissait. Elle sentait son membre puissant qui venait se presser contre sa vulve gorgée de désir. Elle avait tellement envie de lui. Elle savait que ce n'était pas l'endroit idéal mais elle le désirait, elle le voulait. Elle déboutonna le pantalon du jeune homme qui l’aida à l’abaisser et écarta le string qu'elle portait. Quand enfin il fut en elle, elle se sentit revivre, satisfaite, complète. Il lui avait tellement manqué.
Édouard, un peu sonné par la situation, ne réalisait toujours pas que cette femme qui lui avait tant manqué, qu'il avait tant désiré, était enfin sur lui, enfin dans ses bras, qu’il pouvait embrasser sa peau, sentir son odeur, caresser sa longue chevelure. Il pouvait sentir leurs deux corps ne faire qu'un dans une étreinte qui n'était plus passionnée mais bien amoureuse ; une étreinte douce, tendre avec des mouvements lents et bien pensés, les mouvements où chacun profite de chaque seconde et savoure réellement la situation.
Anna montait et descendait lentement mais sûrement. Elle avait la tête légèrement penchée en arrière, les cheveux lâchés et la bouche entrouverte. Édouard la regardait. Il ne savait pas s'il prenait plus de plaisir à la regarder murmurant de plaisir ou à sentir ce corps tant désiré sur le sien. À chaque mouvement qu'elle faisait, il la trouvait encore plus magnifique. Il aurait voulu que le temps s'arrête à jamais, que cet instant perdure pour tout le reste de sa vie. Ils avaient tellement attendu. Ils s’étaient tellement désirés qu’il ne leur fallût pas bien longtemps avant que la chaleur de l'orgasme les envahisse. Ils savaient qu'il lui restait peu de temps dans cette étreinte avant que leurs deux corps ne se cambrent sous l'assaut du plaisir.
Anna calma un petit peu les allées et venues. Elle l'embrassa de nouveau avec passion, toujours douce et tendre, une passion amoureuse. Elle adorait sa chevelure et y glisser ses doigts. Elle voulait sentir la peau du jeune homme, savourer chaque seconde de leur baiser. Il enfouis sa tête dans son cou et s'enivrait de son odeur tandis qu'elle s'agrippait à ses épaules fortes pour se rappeler combien il la rendait pleine de désir. Mais le temps pressait et les deux amants savaient qu'ils devaient se dépêcher. Ils ne voulaient surtout pas être surpris par Nadine et Alain en train de faire l’amour sur cette banquette en plein milieu du jardin. Alors Anna accéléra le mouvement et Édouard resserra son étreinte. Leurs deux cœurs battaient à l'unisson, leur peau commençait à perler de sueur, une sueur de passion et d'amour.
Pour la première fois, ils avaient une vraie relation, pas un rapide coup à un endroit incongru, même si l'endroit où ils le faisaient restait tout de même original. Ce n’était pas l'endroit, c'était la manière dont ils le faisaient comme deux amoureux et non plus comme des amants cachés, comme s’ils s'étaient toujours aimés, comme s’ils avaient toujours été ensemble.
« Je t'aime, laissa échapper Anna dans un mouvement de bassin. »
Édouard s'arrêta et plongea son regard intense dans celui de la jeune femme.
« Je t'aime, Anna. »
Et leur étreinte s'intensifia de cet amour déclaré et l'orgasme vint exploser en eux au moment parfait. C'était encore plus majestueux, entouré par la nature et les chants d'oiseaux. Leur amour, enfin consommé, résonna dans un cri d'extase quand ils arrivèrent tous les deux à l'orgasme.
Les deux amants rejoignirent Alain et Nadine qui avaient dressé une table merveilleuse dans l'immense salle à manger de la maison. Ils passèrent leur soirée à quatre en rigolant et en buvant. Anna se comporta même avec Édouard comme s’ils étaient un couple officiel. Elle savait qu'elle n'avait pas besoin de faire semblant face à sa meilleure amie et Alain deviendrait probablement son meilleur ami. C’était un moment hors du temps où elle oublia qui elle était vraiment, qu'elle était une femme mariée. Son passé n'avait jamais existé. Elle avait toujours été la femme d'Édouard et ils passaient un excellent moment avec leurs amis de toujours. Elle avait prévu de dormir chez Alain ce soir-là. Cela faisait partie du plan. Et après le dîner, elle proposa à Édouard de rester avec elle.
Les deux amoureux rejoignirent la chambre que Nadine avait préparée pour eux. C’était une chambre magnifique à l'autre bout de la maison. Elle s'était bien dit qu'après ces semaines d'abstinence, ils auraient envie de se retrouver, et qu'elle et Alain feraient mieux de ne pas être trop près s’ils ne voulaient pas entendre leurs ébats. À peine avait-elle montré la chambre qu'elle s'éclipsa, leur souhaitant la bonne nuit avec un regard qui sous-entendait beaucoup.
Edouard attrapa Anna dans ses bras et la souleva là comme une princesse.
« Madame votre chambre est prête ! »
Ils étaient tous les deux ravis et excités à l'idée de passer une nuit ensemble. Plus qu'un bref instant, une nuit entière à se découvrir, à parcourir leurs corps et surtout à dormir ensemble, l’un contre l’autre. Édouard la déposa délicatement sur le lit. Il n'avait jamais vraiment profité du corps de la jeune femme. Tout avait toujours été une consommation rapide de leur désir. Anna, allongée, avait pris une position plutôt alléchante et laissait découvrir ses cuisses relevant légèrement sa robe. Édouard n'arrivait pas à croire ce qu'il se passait. Il n'aurait jamais pu en rêver.
Une nuit entière avec sa belle qui était dans le même état d'esprit. Elle avait tout oublié de sa vie, de sa famille. Tout avait disparu en quelques secondes. Ce n’était plus qu’un lointain souvenir. La seule chose qui comptait, à ce moment précis, c'était Édouard, dans cette belle chambre, dans ce grand lit et la nuit qu'ils pourraient passer ensemble. Il serait enfin elle et elle pourrait surtout s'endormir dans ses bras. Édouard, lui, la regardait empli de désir. Bien qu'ils aient eu une relation quelques heures auparavant, le manque qu'elle avait créé en lui, lui donnait cette impression qu'il pourrait passer 10 jours entiers à consommer cet amour, à découvrir son corps qu’il voulait connaître par cœur. Il lui retira sa robe délicatement, découvrant sa chair exquise, lui ôta son string et son magnifique soutien-gorge en dentelle. Elle avait fait un effort en choisissant sa plus belle lingerie. Cela avait été son plan, son espoir, qu'elle finisse la nuit avec Édouard. Il la caressait lentement et passait sur chaque parcelle de son corps, découvrant chaque grain de beauté, chaque imperfection, chaque beauté de ce corps qu'il voulait être à lui. Anna était allongée et profitait, sans dire un mot, des assauts de son amant. Il était tellement agréable. Il savait comment s'y prendre. Elle avait l'impression qu'ils avaient été toujours ensemble.
« Tu es tellement belle… murmura-t-il entre deux baisers.
- Qu’est-ce que tu racontes comme bêtises ! Regarde-moi avec ma peau qui pendouille !
- Mais qu'est-ce que tu dis ? Tu es magnifique ! Tu es la plus belle femme que j'ai vu de toute ma vie.
- Alors, soit tu n'as jamais vu de femme nue, soit tu n'es pas objectif parce que… Parce que… Tu m'aimes. »
Elle avait eu du mal à sortir ces mots, il lui était encore difficile de les comprendre, d’y croire. Tout était allé si vite.
« Je ne sais pas… Mais en tout cas, ce que je sais, c'est que je te trouve magnifique ! »
Il commença par embrasser les pieds d'Anna et remonta lentement le long de son mollet, puis de sa cuisse. Elle frémissait. Il savait qu'elle prenait du plaisir et c'est de là que venait son propre désir. La nuit s'annonçait longue et plein de découverte. Après l’avoir couverte de milliers de baisers. Édouard choisit de se dévêtir. Il voulait que leur peau soit en contact, il voulait la serrer dans ses bras. Elle le regarda retirer ses vêtements et admira sa plastique extraordinaire. Elle n'arrivait toujours pas à croire qu'elle allait passer sa nuit avec lui.
Enfin nu, il vint s'allonger contre elle dans le lit. Il ne voulait pas passer aux choses sérieuses directement, il voulait juste la sentir contre lui, l'enlacer, profiter de ces moments qu'il n’avait jamais eus auparavant. Ce moment magique d’intimité valait 100 fois plus que bien d'autres rapports qu’il avait eu dans sa vie. C’était bien plus beau, bien plus intense. Sa peau douce contre la sienne formait une parfaite harmonie. Il l’aimait tellement à ce moment précis qu'il aurait donné tout pour être avec elle et Anna ressentait la même chose. Il le savait. Ils n’avaient pas besoin de mots pour se comprendre. Elle profitait du souffle chaud de son amant dans son cou qui cherchait à respirer chacune de ses odeurs, de ses lèvres qui frôlaient par à-coup chaque millimètre de son cou. C’était comme une espèce de rêve dont elle n'aurait jamais voulu se réveiller. Édouard la serra de plus en plus fort et enfin ils s'embrassèrent, un long baiser beaucoup plus passionné que celui qui avait eu lieu dans le jardin.
Bien sûr il y avait cet amour entre eux mais à ce moment précis, dans ce grand lit où il y avait tellement de choses à faire, tellement de temps à passer, la passion prenait le pas sur la tendresse. Il la serra encore plus fort et les baisers s'enhardirent. Ses mains se perdirent caressant tout le corps d’Anna, se glissant dans les parties les plus intimes. Les lèvres de l’homme se joignirent à la symphonie, ses baisers voulaient la satisfaire, la goûter. Anna qui avait été assez passive jusqu’ à maintenant, décida de prendre les choses en main. C'était maintenant à elle de recouvrir son amant de baiser, de goûter chaque millimètre de sa peau, de bouger sa langue dans des mouvements sensuels. Il n'arrivait toujours pas à croire qu'il était là avec elle et qu'ils allaient passer toute la nuit ensemble, une nuit qui serait, sans nul doute, riche en plaisir et en découverte.
Le lendemain, ils se séparèrent retournant chacun à sa petite vie. Toute la semaine Anna pensa à Édouard et Édouard à Anna. Durant les entraînements, ils ne pouvaient pas être proches. Mais dès qu'ils avaient un instant, dès qu'ils avaient ne serait-ce qu’une minute, ils en profitaient pour se bécoter comme deux adolescents. Ils répétèrent la même soirée la semaine suivante quand Hélène participa sa course. Malheureusement, cette dernière perdit et ne fut même pas classé dans le top 3. Roger était extrêmement déçu, Hélène aussi. Si bien que leur petit dîner d'après course fut beaucoup moins sympathique et joyeux que les deux premiers. Le soir-même, Anna et Edouard se rejoignirent chez d'Alain et la fantaisie recommença sous le regard bienveillant de Nadine et de son nouveau compagnon.
La semaine suivante, c'était la course d’Anna, c'était son moment, son championnat et elle voulait gagner. Elle se rendit tous les jours à la piscine et nageait pendant au moins 2 heures. Édouard restait à ses côtés, la ressourçait. Elle était tellement motivée. Il la poussait à se surpasser et la rassurait avec des mots doux dont il avait le secret. Il savait comment lui parler, comme s’ils se connaissaient depuis toujours.
Samedi matin, Anna était chez elle. Elle s’apprêtait à partir à la piscine quand Martin l'interpella
« Ma chérie ? Dimanche nous viendrons te voir avec les enfants et toute la famille. Je voulais te faire la surprise. Tu seras supportée par tous ceux qui t'aiment ! On est tellement fier de toi ! »
Anna n'avait pas pensé une seule seconde au fait que le jour de sa course ils viendraient. C’est vrai que dans la logique sa famille devait venir, mais dans l'euphorie de ces dernières semaines, elle n'y avait pas du tout pensé. Elle n’avait pas pensé qu’elle pourrait se retrouver avec son mari et Édouard dans la même pièce, et ses enfants… Mon Dieu, ses enfants ! En quelques secondes, elle prit conscience que la rêverie de ces deux dernières semaines allait virer au cauchemar, qu’elle devait prendre une décision, mais pas maintenant, pas comme ça. Que devait-elle faire, ? Que devait-elle dire à Martin ? Elle ne pouvait pas lui dire maintenant, pas avant sa course. Elle était complètement déboussolée, mais elle était obligée de continuer à mentir, encore un petit peu... Elle ne pouvait pas créer une apocalypse comme ça, crée un enfer pour ses enfants. La situation était horrible et sans le savoir Martin venait de créer en elle une pression incroyable qui mettait sa vie, mais aussi son potentiel succès, en péril.
« Eh bien ? Qu’est-ce qu’il y a ma chérie ? Tu n'as pas l'air contente que nous venions ?
- Non, non, ce n'est pas ça. Je viens juste de réaliser que demain c’est le grand jour et j'ai peur de perdre… Je ne voudrais pas perdre devant vous… Tu sais, c'est très stressant. Je ne sais pas si je suis capable de le gagner…
- Bien sûr que tu en es capable ! Tu es la meilleure, la femme la plus déterminée que je connaisse !
- Merci Martin, c’est gentil. Merci beaucoup !
- Tu m'appelle Martin maintenant ?
- Oh désolée, je suis un peu déboussolée. Merci mon amour ! »
Il déposa un baiser sur son front et Anna, sans demander son reste, fuit la situation. Quand elle arriva à l'entraînement, elle était blanche comme un linge. Édouard comprit instantanément que quelque chose de grave venait de se passer soit physiquement, soit dans la tête de la jeune femme.
« Ça va ? Tu n’es pas bien ?
- Édouard, concentrons-nous sur l'entraînement, là… Vraiment, j'ai besoin de nager !
- Bien sûr… »
Elle nagea durant 3 heures sans s'arrêter, sans prendre son souffle et sans même parler à Édouard. Sa tête allait exploser. Elle était maintenant complètement terrorisée à l'idée que Martin et son amant se retrouvent au même endroit, terrorisée à l'idée que ses enfants voient Édouard. Que quelqu'un dise quelque chose, que tout éclate devant tout le monde. Que ferait-elle alors ? À la limite, Martin elle s'en foutait, mais ses enfants… C’était surtout cela qui la déchirait au plus profond d’elle-même : ses bébés, ses magnifiques jumeaux, face à une mère adultère.
Après l'entraînement Édouard l'attrapa et l’emmena à l’écart.
« Qu'est-ce qui se passe ? Parle-moi, s’il te plaît…
- Demain, mon mari vient me voir et il amène les jumeaux… »
Édouard aussi n'avait pas pensé à cela, pourtant c'était une évidence, et tout d'un coup, il comprenait le désarroi dans lequel se trouvait la femme qu’il aimait.
« Ça va aller, je te le promets. Ils n’en seront rien, on ne leur montrera rien ! Personne n’en saura rien. Je te le promets ! Je resterai loin de toi. Ils n’en sauront rien.
- Oh Édouard… Dans quelle situation je suis allée me mettre. »
Et la femme s’effondra dans les bras du jeune homme. Son corps était violemment secoué par les émotions et Édouard se sentait tellement coupable de mettre la femme qu’il aimait d'un amour passionné dans un état pareil. Il se demanda s’il ne ferait pas mieux de ne pas venir au championnat, mais s'il ne venait pas ce serait Roger qui se demanderait pourquoi et il ne pouvait pas abandonner son équipe. Mais Édouard avait aussi peur de voir l'homme qui était son concurrent, l'homme qui était le mari de son amante. Pourrait-il supporter de la voir avec un autre ? Pourrait-il supporter de voir cette mère avec ses enfants ?
« Ça va aller, ne t'inquiète pas ! Concentre-toi sur la course. Concentre-toi seulement sur la course ! Ne pense plus à rien d'autre… Ça va aller, je te le promets ! »
Dimanche matin, Anna avait repris du poil de la bête, elle voulait gagner. Cela faisait des mois qu'elle s'entraînait. Il était hors de question qu'elle laisse cette situation, si horrible soit elle, l'empêcher de gagner. Son mari, lui, était tout content et ses enfants encore plus. Alors elle décida de se laisser porter par la vie et d’accepter qu’elle ne pourrait pas contrôler cette journée.
Anna était sur le ponton et la course allait commencer. Ses muscles étaient tendus et sa respiration haletante. Elle savait que dans quelques secondes, elle jouerait l’entraînement qu’elle s’était imposée depuis des mois. Elle voulait gagner, elle voulait être celle qui allait gagné. Elle en avait besoin. Elle avait besoin de donner un sens à tous ces entraînements, de se dire que même si elle avait fait des incartades, au moins elle était une bonne nageuse. Elle devait gagner.
Le coup de pistolet retentit dans ses oreilles et Anna plongea. L’eau purificatrice vient frotter chaque parcelle de son corps et elle entama les mouvements vifs et harmonieux, tout en se concentrant sur sa respiration. Les secondes lui parurent des heures, chaque mouvement était ralenti dans son esprit. Elle avait l'impression qu'elle n'arriverait jamais à la fin de la course. Quand enfin sa main toucha le carrelage humide du bord la piscine, elle sortit la tête de l’eau et constata que ses concurrents n'étaient même pas encore arrivés. Elle avait gagné et elle avait gagné haut la main !
Toute la tribune exulta de joie, Roger encore plus, Nadine hystérique, Alain était comme toujours d’un calme élégant et faisait battre légèrement ses mains en criant « Bravo, bravo, bravo ! ». Édouard, incontrôlable, était descendu dans la précipitation des gradins et sauta dans les bras d’Anna. Elle ne put se contenir et lui sauter aussi dans les bras. Toujours dans les gradins, son mari regardait la scène de manière passible. Ils allèrent tous manger au restaurant, comme à leur habitude, et l'ambiance fut assez bonne. Le soir, ils rentrèrent et Martin fit semblant de rien.
La semaine suivante Anna ne se rendit pas à l'entraînement d'Alain, elle était sûre que Martin avait des doutes et elle ne voulait surtout pas qu'il se sente offensé parce qu'elle continuait à y aller.
Le dimanche suivant, Alain fit sa course et termina deuxième. Nadine toujours égale à elle-même exulta d'une joie non feinte en criant partout que son homme était le meilleur. Le soir même, était prévu une grande soirée chez Alain avec toute l'équipe, leurs amis et leurs proches. Ils devaient fêter la fin du championnat et les victoires de certains. Roger était venu accompagner de sa charmante femme qui était toujours à ses côtés à la piscine. Édouard, aussi, était là. Martin avait tenu à accompagner Anna et la situation était plus qu'étrange, mais tout se déroula au mieux et aucun incident ennuyeux ne vint déranger la soirée. Au contraire ce fut même assez festif.
Tard le soir, Anna et Martin reprirent la voiture pour rentrer chez eux.
« Ma chérie, j'aimerais bien qu'on parle, dit Martin en brisant le silence qui régnait dans la voiture.
- De quoi ? demanda-t-elle stressée à l’idée qu’il évoque le sujet qu’elle redoutait tant.
- Je crois que tu sais de quoi…
- Non… Je ne vois pas… Dis-moi… »
Anna tremblait, elle était encore plus troublée parce que son mari était étrangement calme. Il continuait de conduire sans démontrer une quelconque émotion. Elle ne savait pas de quoi il voulait parler, elle ne savait pas ce qu'elle devrait dire. Devait-elle tout avouer maintenant ? Ou devait-elle juste se taire ? Elle attendait qu’il parle. Il laissait le silence s’éterniser comme pour donner à sa femme la chance d’avouer, comme si ce qu’elle aurait pu dire pouvait changer son discours. Mais elle ne parlait pas. Elle attendait, raidie sur son siège.
« Anna, ça fait 15 ans qu'on est marié. Ça fait presque 20 ans qu'on se connaît et tu crois que je ne sais pas lire en toi. J'ai bien vu comment tu regardais cet homme, cet Édouard… Et comment il te regardait. Je ne sais pas s’il s'est passé quelque chose entre vous et franchement je ne veux pas le savoir…
- Martin, je…
- Laisse-moi continuer. Je t’ai donné ta chance de t’exprimer, mais tu as préféré te taire.
- Martin…
- Je n’ai pas fini Anna… »
Il n’était pas fâché, il parlait doucement, calmement.
« Tu as certainement remarqué depuis quelques mois, voire depuis quelques années, je ne suis plus vraiment le même. Toi et moi, on est des amis plus que des amoureux… »
Anna ne s'attendait pas du tout à ce que son mari tienne ce genre de discours. Elle avait cette étrange impression qu'il était en train de la larguer.
« Qu'est-ce que tu essayes de me dire ? bredouilla-t-elle les larmes aux yeux. »
Martin gara la voiture sur le bas-côté, prit une longue inspiration et plongea son regard dans celui de sa femme.
« Je t'aime Anna et je t'aimerai toujours. Tu es la femme la plus merveilleuse que je connaisse. Tu es la mère de mes enfants, mais l'amour que j'ai pour toi n'est plus le même. Tu le sais bien. Nous sommes comme deux amis, les meilleurs amis du monde qui fonctionnent parfaitement ensemble mais qui ne sont plus amoureux l'un de l'autre
- Martin ? Tu veux me quitter ?
- Anna, dis-moi que tu penses autrement, que tu es encore amoureuse de moi !
- Je ne sais pas… Oui ! je t'aime ! Je t’aime encore ! avait-elle crié avec beaucoup de désespoir, sa vie s’effondrait.
- Tu m'aimes mais est-ce que tu m'aimes toujours comme avant ?
- Martin, ça fait 20 ans qu'on est ensemble ! L'amour est différent…
- Je ne pense pas ! Je ne pense pas que l'amour soit différent, je pense qu'on s'aime et qu'on a de la tendresse l'un pour l'autre mais nous ne sommes plus amoureux et j'ai vu ton regard, j'ai vu le regard que tu lui portes, j'ai vu l'amour dans tes yeux…
- Martin je suis désolé… je suis… je ne veux pas te perdre…
- Anna je veux divorcer. Non parce que je ne t'aime plus mais parce que je t'aime encore. Nous avons chacun le droit d'être heureux et de rencontrer une nouvelle personne avec qui nous serons encore plus heureux. Je veux divorcer parce que je veux que mes enfants, nos enfants, voient leurs parents heureux. »
Anna était complètement déboussolée. Elle avait envie de pleurer toutes les larmes de son corps, de le retenir mais elle savait qu'il avait raison. Mais comment imaginer ne plus vivre avec lui ? Elle ne pouvait même pas imaginer annoncer cela à ses enfants. Elle ne pouvait pas imaginer ne plus voir son mari, dans son sofa, le soir, complètement endormi. Il avait fait partie de sa vie pendant 20 ans. Il était plus que son mari, il était son ami. Mais elle le savait, il avait raison.
« Rentrons à la maison. On parlera de ça demain. C’était une longue journée, je pense que ce serait beaucoup mieux d’en reparler à tête reposée, finit par répondre Anna. »
Les jours qui suivirent furent très difficile pour Anna, surtout quand elle dût expliquer à ses jumeaux que leurs parents avaient décidé de se séparer. Édouard avait essayé de l’appeler mais elle lui avait demandé un peu de temps et ne lui avait fourni aucune explication. L’homme était inquiet. Il avait peur de ne plus jamais la revoir, peur qu’elle ait choisit de mettre un terme à leur histoire.
Anna avait eu besoin de temps, beaucoup de temps pour régler la situation et retrouver une stabilité. Édouard était un problème dont elle ne pouvait pas s’occuper à ce moment précis. Martin lui avait laissé la maison et s’était montré très aidant dans le divorce. Les petits avaient beaucoup de mal avec la situation, mais au moins voir leurs parents en si bon accord, les aidaient dans leurs souffrances.
Anna avait perdu beaucoup de poids, mais heureusement elle avait pu compter sur Nadine et Alain qui avaient été plus que présent pour elle. Alain s’entendait d’ailleurs merveilleusement avec les jumeaux et ceux-ci allaient régulièrement passer quelques jours chez tatie Nadine et tonton Alain qui vivaient maintenant ensemble.
Deux mois plus tard, la situation était un peu prés stabilisée et les jumeaux étaient chez leur père. Anna décrocha son téléphone et fit le numéro d’Edouard. Elle ne le salua même pas et enchaîna directement :
« Je me suis séparée de Martin et on est en instance de divorce. Édouard, je t’aime, je veux être avec toi… »
À l’autre bout du fil aucune réponse ne vint et Anna se demanda si elle ne l’avait pas perdu à force de le laisser dans le flou.
« Édouard ?
- Je suis à la piscine, tu viens me rejoindre ? »
Anna raccrocha, attrapa son sac de sport qui n’avait pas bougé depuis des mois et se pressa pour rejoindre l’homme de sa vie.
FIN
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